5.08 Lady Lazarus

Déjà, quand tu vois dès le générique que Matthew Weiner est en charge du scénario, tu sais que tu as de grandes chances de passer un beau moment de télévision. Alors tu fermes les volets, tu poses le cendrier à côté de l'ordinateur, tu éteins ton portable et tu oublie toute notion de temps pour mieux savourer le temps qui passe dans Mad Men. 


La saison continue de développer le même thème : tu ne peux pas toujours avoir ce que tu veux et il n'y a pas d'issues possibles, seulement des illusions. Une fois que tu réalise cette fatalité, tu peux sois te contenter de ce que tu as, soit devenir envieux et amère. Et chaque personnage expérimente tour à tour ce sentiment, sans forcément en venir aux mêmes conclusions, sans forcément ressentir la même douleur. Ce qui les unit, c'est le temps qui passe, c'est la peur du vide. 

Lorsque Megan décide de démissionner et retenter sa chance en tant que comédienne, elle nous rappelle à quel point elle est une figure unique dans l'univers de la série, qui met le reste des personnages face à leurs désirs et frustrations. Don avait réussi à mêler parfaitement son succès professionnel et son nouveau mariage et réalise maintenant que tout le monde n'aspire pas à ce rêve américain, même pas celle dont il est le plus proche actuellement. On se demande alors s'il aime Megan ou bien l'idée de Megan, s'il est sincèrement heureux de la voir réaliser ses rêves ou si cette belle image qu'il a épousé est en train de lui échapper. Comme souvent avec Don, c'est la manière dont il perd le contrôle de sa vie qui est passionnant et un électron libre comme Megan semblait tout destiné à le replacer dans cette position un jour ou l'autre.


De son côté, Peggy voit ce départ de manière assez égoïste. C'est une opportuniste, son travail est sa vie et elle ne peut imaginer qu'on soit heureux de le quitter. Que tous ses efforts soient passés inaperçu et qu'elle ne sera jamais "this kind of woman", celle qui réussit tout et retombe toujours sur ses pattes, sans effort. Non, elle est coincé dans ce bureau et doit encore et toujours faire ses preuves face à Don. Dans une scène très embarassante, elle explose et se fâche contre son mentor, prouvant alors qu'elle est déjà passé du côté de l'amertume. Sera-t-elle une Joan ou a-t-elle encore une chance de devenir une Megan ? Sera-t-elle un jour satisfaite d'être Peggy ? Pour une personne qui n'envisage le succès qu'à travers le regard des autres et qui attend sans cesse la reconnaissance, la route est encore longue...

Et puis il y a Pete. L'homme qui vient de réaliser cruellement qu'il n'y a pas de virage possible, que sa vie sera une longue route sans surprises, sans demi-tour. Et qui pourtant trouve un détour par hasard, incarnée par Alexis Bledel (que je ne pensais pas un jour briller autant dans une série dramatique). Tout comme Roger avec le LSD, Pete ne s'attend pas à tomber sur ce genre d'échappatoire et tombe follement amoureux de cette jeune femme qui représente l'inattendu et la passion, tout ce qui manque actuellement dans son quotidien. C'est une facette nouvelle de Pete, qui retombe presque en enfance, se met de nouveau à avoir des illusions et une sorte de romantisme. Ce qui rend d'autant plus bouleversant cette scène où son rêve est détruit et qu'il est de nouveau impuissant. Ce coeur sur la vitre de la voiture a brisé le mien. Et Pete ne peut désormais que reprendre le même chemin, en direction de la médiocrité. Ma théorie évoquée récemment tient plus que jamais. 


1966 est décidément l'année parfaite pour suivre des personnages coincés entre hier et aujourd'hui, entre ce qu'ils veulent et ce qu'ils ne peuvent avoir, à une époque où la société offre de nouvelles évasions (histoire d'oublier cette putain de guerre), où l'on expérimente avec une folle liberté. Et Matthew Weiner réalise alors mon rêve en plaçant à la télévision une chanson du plus grand album de pop jamais réalisé (juste après "Pet Sounds" il y a deux semaines) : "Tomorrow Never Knows". AMC a bien fait d'exploser sa tirelire pour nous payer les Beatles car la chanson est parfaite. Le Livre des Morts Tibétains a été évoqué plus tôt dans la saison et son intérprétation par John Lennon débarque dans le salon de Don. "Tomorrow Never Knows", seulement Megan semble y croire. Les autres n'en sont pas encore là et lui préfère arrêter le disque.

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