La rétrospective #7

Aujourd'hui, c'est Nicolas Robert, rédacteur au Dailymars, partenaire de podcast et avec qui je partage plein de passions communes (de ER à The Good Wife en passant par Homicide) qui vient rendre son hommage à la série. En nous présentant les différentes incarnations de The Office. Je serais moi-même tenté de subdiviser ses divisions (réunir les saisons 4 à 7 sous la même branche me semble trop radical) mais j'ai suffisamment parler de la série. Nicolas, c'est à ton tour, merci de ta participation !

The Office, d’une comédie à l’autre

Il y a des séries qui vous parlent plus que d’autres. Des créations qui raisonnent en vous de façon étonnante et qui, du coup, vous appartiennent un peu. « The Office », pour moi, c’est ça. Pas parce que c’est une comédie à la mécanique immuable mais bel et bien parce que je l’ai vue évoluer dans le temps. Et que l’intérêt que je trouvais dans son visionnage est souvent passé d’un point à un autre. Presque sans discontinuer.

Au début, la satire de la vie de bureau (saison 1)


J’ai découvert The Office assez tard. En mai 2008, si je ne me trompe pas. A la grâce de l’achat du coffret DVD des deux premières saisons, je me suis lancé dans l’aventure sans idée préconçue… tout au plus avais-je lu plusieurs critiques titillant positivement ma curiosité

Dès le début, j’ai eu un coup de foudre comique pour Steve Carell. La série reprend, dans ses tous premiers épisodes, les scripts de la série de Ricky Gervais ? Oui, c’est vrai. Mais heureusement ou malheureusement, c’est Michael Scott qui m’a fait découvrir l’univers du mockumentary de bureau… et c’est lui qui m’a conquis.

A l’époque, il me rappelait furieusement des managers que j’ai croisés dans le passé. Des hommes en représentation permanente mais pas franchement faits pour la fonction. Bête, méchant, assez couard aussi, Michael Scott 1.0 avait tout pour me faire vivre des instants jubilatoires. Si, à l’époque, Dwight, Jim et Pam prennent parallèlement leurs marques, c’est lui qui capte mon regard. A coups de tirades certes écrites pour un autre mais bel et bien habitées par l’ex-participant du Daily Show.

Pour moi, ça marchait du tonnerre… mais je suis content que cela n’ait pas trop duré. Très honnêtement, je pense que je me serai lassé assez vite s’il n’y avait eu que ça. Mais Greg Daniels et sa bande ont vite bifurqué vers une autre direction. Un chemin pas franchement éloigné de la voie initiale mais émotionnellement plus riche. Une route qui allait me ravir au plus haut point. Notamment parce que Jim et Pam allaient me faire complètement craquer.

Le bureau, le boss et la comédie romantique (saisons 2 et 3)


Je ne vais pas être très original : ce que beaucoup considèrent comme l’âge d’or de la série est aussi une période très chère à mon cœur. Parce que Michael Scott 2.0 -plus humain, plus touchant- entre en scène. Parce que le processus du mockumentary tourne à plein sans que les ficelles ne soient usées (à l’époque, les regards consternés de Ryan à la caméra font toujours mouche chez moi). Parce que la série est en train d’ériger le cold open en véritable art. Et parce que bon sang, l’histoire entre Jim et Pam était tellement belle à cette époque…

Je ne fais pas franchement partie de ceux qui détesteront Jim et Pam une fois qu’ils seront « rangés ». Peut-être parce que j’ai deviné très tôt qu’une fois ensemble, ils ne pourraient plus occuper la place centrale qu’ils avaient pris dans mon esprit. C’est ça ou alors parce que, à plusieurs reprises, Jenna Fischer m’a fait fondre plus vite qu’un caramel au soleil avec les regards, les hésitations et les réactions de Pam. L’écriture, l’interprétation et le timing sont quasi-parfaits. Combien de fois me suis-je dit, à l’époque, « Qu’est-ce que c’est bien ! » en voyant défiler le générique de fin.

Mais pendant cette période, les deux amoureux de Scranton ne sont pas les seuls à casser la baraque. Carell transforme presque tout ce qu’il touche en or : c’est bien simple, à l’époque, il suffit qu’il apparaisse à l’écran pour que je me mette à sourire. A côté de ça, la dimension collective de The Office s’affirme avec force. Dwight continue d’être un personnage majeur pendant qu’Angela, Oscar, Kevin, Phyllis, Meredith et tous les autres apportent une nuance de couleur à ce qui est alors mon arc en ciel comique de l’époque. En gros, The Office US devient un miracle d’équilibre et d’inventivité.

L’enfant roi et sa cour délirante (saisons 4 à 7)


Avec le final de la saison 3, The Office arrive cependant à la fin d’une première vie. Jim et Pam ne se tourneront plus autour et un des piliers de la narration originale change. Bon gré, mal gré. Michael Scott 2.0 devient plus que jamais le centre d’un univers dans lequel gravite toujours autant de personnages. Si la notion d’ensemble show est toujours là, tout ou presque passe par Michael Scott. Sans doute trop parfois. Dès que les scénaristes font les feignasses en croisant les doigts pour que Carell sublime la polenta, ça coince. Parfois méchamment.

Contre toute attente, je ne fais pas partie de ceux qui considèrent que la série est en chute libre à partir de la saison 6. D’abord parce que je l’aime bien, moi, cette saison (même si l’arc de Jim co-directeur ne sert pas à grand’chose) : l’épisode de Noël par exemple, me semble très réussi. Tout comme l’ouverture de saison, sur les rumeurs que Michael propage dans tous les sens. La saison 7, elle, offre une jolie sortie à son acteur principal et j’ai apprécié que cela soit bien maîtrisé.

Ces quatre saisons, en tout cas, tournent autour d’une notion phare. Michael Scott est un enfant. Touchant, amusant, fatiguant aussi parfois… mais il ne laisse jamais indifférent. Au final, ça marche souvent. De manière moins systématique que dans les trois premières saisons où la série fait mouche à tous les coups ou presque mais l’ensemble se tient bien. Notamment parce que les scénaristes explore de multiples pistes (The Michael Scott Paper Company) et que certains cold open sont mémorables (Stress Relief, partie 1 : avec la fausse alerte au feu).

Mais cette époque porte en elle une vérité lourde. Si The Office est une série chorale, elle repose beaucoup sur l’homme qui occupe le grand bureau à côté de l’entrée. Cette situation est assez paradoxale : plusieurs personnages, comme Andy et Erin, grandissent en effet patiemment. Dwight et les autres sont aussi capables de faire vivre de vrais beaux moments au téléspectateur. Mais le patron, c’est et ça reste Michael. Comme s’il était le pôle nodal comique du projet… une impression que son départ confirmera de façon douloureuse.

Erin, une idiote bien seule ou presque (saisons 8 et 9)


Septembre 2011 et septembre 2012. Deux rentrées, deux reprises, deux périodes suscitant plein d’espoir… et deux résultats très irréguliers. Décevants. Quand les historiens de la comédie comme Dylanesque ou Conundrum se pencheront sur la fin de la série, une fois détachés de l’implication émotionnelle qui les lient à cette série, ils devront se rendre à l’évidence : The Office saisons 8 et 9, c’est un spin off de The Office.

Ces deux dernières années sont loin, très loin des saisons 1 à 3, pas complètement éloignées des saisons 4 à 7, mais sans vraie ligne conductrice. Au mieux, on a quelques bons passages, comme les épisodes 12 à 15 de la saison 9. Au pire, ça part dans tous les sens sans réel pilote dans l’avion.

Un jour, pour faire le bilan de la saison 14 d’Urgences, j’ai écrit que lorsque l’on doit relancer un hit en perte de vitesse, il faut être capable de répondre à quatre questions : « Qu’est-ce qu’on a ? » (les forces en présence), « Qu’est-ce qu’on a eu ? » (ce qu’on peut essayer de retrouver), « Qu’est-ce qu’on n’a plus ? » (ce dont il faut faire le deuil) et « Qu’est-ce qu’on n’a jamais eu ? » (ce qu’on peut encore tester).

En relançant la dynamique d’ensemble avec Andy Bernard en big boss, l’équipe d’auteurs de The Office a confondu « Qu’est-ce qu’on a eu ? » et « Qu’est-ce qu’on n’a plus ? ». Helms n’est pas Carell, et faire suivre à Andy un parcours souvent trop proche de Michael était une ânerie.

L’idée de revenir à l’idée du documentaire était bonne, mais il aurait sans doute fallu traiter autrement la question de la direction. Amener deux ou trois autres acteurs à la tête de la branche scrantonienne de Dunder Mifflin, les intégrer dans un projet précis (oui, Robert California : c’est toi que je regarde, là), auraient peut-être permis de secouer vigoureusement l’ensemble.

Il reste quoi qu’il en soit quelques bons moments, souvent rattachés au personnage d’Erin. C’est l’un des rares que je n’ai pas lâchés jusqu’à la fin. Mais je pense qu’il me faudra un peu de temps pour évaluer réellement ces deux dernières saisons. Et je pense qu’il en faudra encore un peu plus à Dylanesque.

Le mieux, pour cela, c’est encore de se refaire une intégrale de la série. Pour se rappeler que c’est une série multiple. Et qu’elle mérite plus, beaucoup plus qu’un « non mais depuis que Jim et Pam ne sont plus ensemble, ça n’a pas franchement d’intérêt hein… »

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