5.15 Granite State

J'ai l'impression que "Ozymandias", c'était hier. Tellement il m'a hanté toute la semaine, tellement il m'a presque empêché de dormir. Tellement je me le suis rejoué dans ma tête en boucle. Malgré le flash-forward qui ouvrait la saison, j'étais incapable de devenir le masterplan de Gilligan et je ne me permettais même pas d'y penser. Walt qui change de vie, ce chien qui saute par-dessus la clôture, j'aurais presque accepté ça comme conclusion car je ne voulais pas voir Jesse ou la famille White souffrir davantage. Car je ne voulais même pas voir Walter White de nouveau, de peur de changer de nouveau d'avis sur lui et de le prendre en pitié. Suite à l'annonce du spin-off sous forme de sequel, j'avais également peur de voir Saul y passer, de voir de nouveau autant de violence. De nouveau, Breaking Bad confirme toutes mes peurs et parvient partout à me surprendre. 


Il me surprend car contrairement à son prédécesseur, "Granite State" joue la carte de la sobriété, du calme après la tempête. À un épisode de la fin, nous attaquons la phase crépusculaire du western. Le rythme se ralentit, la tension est plus perverse et on les grands espaces n'ont plus la même couleur. De la chaleur des plateaux du Nouveau-Mexique, on nous transporte dans les forêts enneigés du New Hampshire. Les cheveux repoussent en même temps que le cancer se fait plus fort et la chute de notre anti-héros est proche. Comme chaque cow-boy mourant, il a le droit à un ange gardien, un geôlier, un ultime témoin. Ed sera probablement le dernier personnage secondaire important du récit et, comme d'habitude, il suffit de quelques scènes pour le rendre plus vrai que nature (il faut dire qu'on en parle depuis longtemps). "Granite State" aurait presque pu se dérouler entièrement à l'intérieur de cette cabane et autour de ce jeu de cartes, ça m'aurait satisfait. Peut-être même encore plus à vrai dire, tellement je rêvais d'un ultime "bottle episode" pour succéder à "The Fly". Mais c'est plus un caprice qu'un regret. Ces scènes m'auront suffi pour retourner ma veste une ou deux fois au sujet de Walt, pour le prendre de nouveau en pitié et pour lui trouver des putains de circonstances atténuantes. En déconstruisant son anti-héros une nouvelle fois, Gilligan m'aura eu, encore une fois. La dernière ? Pas sûr. 

Car, comme on le savait depuis "Live Free Or Die", Walt n'a pas dit son dernier mot. Et c'est l'ego qui le fera replonger. Alors qu'on le voit lentement tout perdre (sa vie, son argent, la compassion de son fils et son ambition), on découvre qu'il lui reste sa putain de vanité. Grey Matters est son talon d'Achille et ça, ce n'est pas surprenant. Tout a mené à cet instant et pourtant, on l'avait presque oublié ce qui nous réserve cette ultime cliffangher frissonnant, avec la musique du générique pour bien enfoncer le couteau. Alors quoi ? Les armes contre les néo-nazis et la ricine pour Gretchen et Elliott ? Les armes contre ces anciens partenaires et la ricine pour lui-même ? À suivre...


Et si j'aurais aimé mon "bottle episode", je suis quand même satisfait de voir comment les conséquences d'"Ozymandias" retombent sur les autres. Je ne m'attendais pas à voir Saul dans cette ouverture et je craignais le plus en le voyant enfermé avec son client le plus dangereux. C'est probablement la dernière fois que l'on voit l'avocat (dans cette série en tout cas) et en guise d'au revoir, il livre son conseil le plus avisé à Walt sur une note parfaitement sobre. Merci à Bob Odenkirk d'avoir su incarner avec autant de drôlerie et de charisme l'avocat le plus inoubliable de la télévision et à bientôt, toujours sur AMC. 

Certains n'ont pas la chance de pouvoir échapper à leur destin aussi facilement. Putain, avait-on besoin de voir Jesse souffrir davantage ? Si cela ne fait que me conforter dans mes théories le concernant pour l'ultime épisode, c'était dur à regarder. Et pas forcément nécessaire pour détester Todd encore plus. Mais suffisamment bien écrit et interprété pour offrir des nuances supplémentaires à toute cette galerie de personnages et les placer sur l'échiquier final. Comme tout lemonde, je souhaite à celui qui ne l'espère même plus d'obtenir sa revanche. Mais j'ai appris qu'ici, rien n'est acquis. 

Je réécoute la bande-originale de "The Assassination of Jesse James by the Coward Robert Ford" en écrivant cette review car la neige du New Hampshire, les multiples références au bandit qu'on a pu entendre dans la série et ce que j'imagine de l'ultime épisode me replonge directement dans l'univers du film d'Andrew Dominik. L'ancien roi des bandits que l'ego fait sortir de sa retraite paisible dans les bois pour se venger et qui trouvera sûrement sa perte à cause d'un autre personnage qu'il a trop souvent mis de côté, sous-estimer, méprisé. Je n'arrive juste pas à décider s'il s'agira de son cancer ou de Jesse Pinkman. Et je n'arrive toujours pas à réaliser que je viens de voir l'ultime cliffangher qui fait froid dans le dos à la mode Breaking Bad. 


Même si lui, on le reverra, Saul a raison : "It's over". À quelques 50 minutes près. Encore une fois, Breaking Bad n'aura pas volé son Emmy Award. Et je ne crierais pas au scandale s'il en remporte encore un l'an prochain, pour couronner sa meilleure saison.

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