5.16 Felina [Series Finale]

Comme à chaque fois que je dois écrire au sujet d'un series finale (ex : Friday Night Lights ou plus récemment The Office), je me laisse aller à la nostalgie et je vous parle de mon histoire avec la série en question. Et d'ailleurs, le point commun à mes yeux de ces trois séries, c'est qu'elles ont fait partie intégrante de ma vie durant mes années d'études, de l'obtention de mon Bac à ma démission de la fac. Jason Katims, Greg Daniels et Vince Gilligan m'ont offert la toile de fond dont Eric Taylor, Michael Scott et Walter White étaient les figures de proue (je ne parle ni de Matthew Weiner ni de Don Draper car ça, j'aurais l'occasion d'en reparler beaucoup et à double dose visiblement). Donc avant de parler de "Felina", avant de vous dire à quel point cette conclusion m'a satisfait, je dois respecter la tradition et rendre hommage à Breaking Bad à l'aide d'un petit historique. 


SAISON 1 : Il aura presque fallu un an pour que je me décide à regarder le pilote. Grâce à Mad Men, AMC ne m'était pas étrangère mais mon horreur pour les mathématiques et la science m'empêchait bêtement de tenter le coup. Il faut dire qu'à l'époque, je n'avais pas encore les outils pour télécharger régulièrement de la série et que je ne devais ma culture séries qu'à la connexion Internet de mes potes, aux coffrets DVD et à l'achat de magazines spécialisés. Mais un soir de décembre, le 29 décembre 2008, durant la triste période entre les fêtes et le Nouvel An, enfermé dans mon premier appartement d'étudiant avec un bon gros rhume, j'ai succombé à ce pilote que je considère, encore aujourd'hui, comme l'un des plus merveilleux et efficace qui existe. Les six épisodes restants furent engloutis en l'espace d'une soirée (peut-être ma première session de binge-watching) et le tour était joué. L'année 2009 s'ouvrait pour moi avec une belle et prometteuse découverte. Je m'interrogeais : "Comment faire durer la série avec un personnage déjà condamné ?". Des temps plus simples (où on pouvait visionner une série sans craindre une pluie de spoilers venu de tous les coins d'Internet et de son putain d'entourage). Je n'étais pas au bout de mes surprises...

SAISON 2 : Le cliffangher de la première saison, réduite à cause de la grève des scénaristes, ne me fera pas saliver trop longtemps car il suffira d'attendre le printemps pour pouvoir visionner la suite. Un printemps très ensoleillé, très chaud, où s'enfermait à l'ombre avec mon futur colocataire pour fumer le nargilé en visionnant le plus vite possible (et parfois - misère - en streaming) chaque épisode le lendemain de sa diffusion. La série prenait son envol et signait déjà des épisodes inoubliables, comme ce huis-clos dans cette bonne vieille caravane au milieu du désert ou ce premier "meurtre" de sang-froid de la part d'un Walt déjà bouffé par Heisenberg. À l'époque, on frissonnait devant une tête sectionnée attaché à une tortue, un montage musical habillé par une reprise de Townes Van Zandt ou des flash-forwards énigmatiques au fond d'une piscine. Le bruit d'un distributeur bancaire qui tombe nous hantait la nuit et on avait failli se faire du mal en imitant Tuco quand il s'écrase un cigare sur la langue. On était jeune et Jesse était notre héros, on était amoureux de Jane et on croyait encore à la rédemption de Walt. Et puis il y a eu cet accident d'avion, qui nous laissa dubitatif et cloués au sol, ne sachant pas s'il fallait être outré ou crier au génie. Tout ce qu'on savait, c'était que Breaking Bad était notre série favorite, celle qui nous rendait le plus fou. Peekaboo. 


SAISON 3 : "Wow. C'est d'une beauté, c'est d'une force, Breaking Bad. Je sens que je vais vite être à court de superlatifs cette saison..." J'écrivais ça après visionnage de "Caballo Sin Nombre" (oui, l'épisode de la pizza sur le toit) et je suis plutôt fier, quatre ans plus tard, d'avoir toujours su trouver de nouveaux superlatifs. C'était pas facile mais j'ai réussi. Il était beau lui aussi ce printemps 2010, alors que mon amour pour Pawnee grandissait, que l'on jouait au paintball dans les couloirs de Greendale et que Peter Krause et Lauren Graham venait de retrouver du boulot. Mais c'était toujours pour Breaking Bad que mon coeur bâtait le plus fort. Lorsque j'ai dû dire adieu à cette bonne vieille caravane, lorsque j'ai failli mourir d'une crise cardiaque en l'espace d'une minute, qand une mouche m'a bouleversé et quand le cliffangher final me laissa comme un dingue. À l'époque, Mike et Saul devenaient peu à peu les meilleurs personnages secondaires à la télévision, Gus était encore un méchant inquiétant plutôt qu'un personnage de cartoon et le lien qui unissait Walt et Jesse était tout ce qui comptait. "Avec cette impeccable troisième saison, Breaking Bad est la série la plus passionnante et imprévisible du moment, la plus audacieuse et maitrisée, la plus géniale tout simplement." Ouais bon, j'abusait de superlatifs, d'accord. Mais je ne le regrette pas et considère toujours aujourd'hui que c'était mérité. Surtout aujourd'hui. 

SAISON 4 : Ah, la quatrième saison de Breaking Bad... Elle aura fait couler beaucoup d'encre et même avec le recul, je ne vais pas chercher à la réhabiliter. Je viens de relire mes impressions en trois parties (la première, la seconde et la troisième) et je suis toujours d'accord avec moi et mes propos plutôt nuancés sur ce qui est, certes, la plus faible salve d'épisodes de la série mais, également, un putain d'excellent divertissement, truffés de moments inoubliables. Je suis toujours d'accord pour dire que "Box Cutter" (visionné à Barcelone un jour de canicule) était un season premiere parfaitement glaçant, que la réalisation de "Salud" est un tour de maître (santé, Michelle McLaren !) et que "Face-Off"... bon je ne sais toujours pas sur quel pied danser concernant "Face-Off" si ce n'est que cette explosion aura aidé la série à entrer dans la légende. Et permis à Giancarlo Esposito de s'éclipser pour laisser la place à ce qui nous importait vraiment dans le récit, au-delà du danger et des retournements de situations : les personnages. 


SAISON 5a : Et niveau traitement des personnages, je dois avouer que cette première moitié d'ultime saison fut un tour de force bienvenu. Exilé sur le tournage de BILLY, j'ai pu échapper aux spoilers et visionner ces huit épisodes en une salve très rapide, et des moments de télévision aussi gratifiants et intenses, je peux les compter sur les doigts de ma main. Le début de la fin avec ses aimants, sa piscine, son train et son Mike est, pour ma part, quasiment irréprochable. Anna Gunn n'a pas volé son Emmy cette année ("Fifty-One") et Jonathan Banks méritait l'Emmy qu'il n'a pas eu et même si j'ai déjà revu tout ça bien trop de fois, j'ai hâte de revoir tout ça en enchaînant avec la suite et fin. "J'ai rarement vu une succession d'épisodes aussi bien ficelés, riches et passionnants en aussi peu de temps, c'en est étourdissant." que je disais dans la première partie de ma review (dont voici la seconde partie). Je n'avais pas encore vu la suite. J'avais encore la joie de pouvoir attendre et faire monter mes attentes au sujet d'une nouvelle saison de Breaking Bad. C'est fini maintenant. 

SAISON 5b : Car nous y voilà. Et je ne vais pas revenir sur ce que j'ai déjà dit sur cette magistrale dernière poignée d'épisodes, d'une ouverture couillue à un duel sous le soleil coup de poing en passant par un western crépusculaire sous la neige. Je ne vais pas pleurer de nouveau la disparition d'Hank Schrader et médire déjà les Emmy pour oublier Dean Norris l'an prochain (ils n'oseront pas). Je ne vais pas revenir sur toute la série car je viens juste de le faire et je ne vais pas vous faire un top 10 de mes épisodes favoris car ils sont tous présents dans ce long article, il suffit de cliquer là où ça surbrille. Je ne vais pas vous conseiller d'aller lire la parfaite analyse de Todd VanDerWerff ou d'aller écouter le podcast émouvant d'Alan Sepinwall et Dan Feinberg car je vais pas vous dire quoi faire. Je vais juste vous dire quelques mots. Je vais juste prendre encore un peu de votre précieux temps (car tout autant que Mad Men, c'est encore une série qui nous parle du temps qui passe trop vite qui vient de s'achever) pour vous livrer quelques impressions à chaud concernant "Felina". 


Felina : Combien de fois a-t-on vraiment pu témoigner de l'aboutissement d'une série feuilletonesque (pléonasme ?), d'une série qui nous vend de l'illusion sur le long terme et qui se la joue méticuleuse avec nos nerfs et nos attentes ? Tant ont échoué à cet exercice difficile et souvent vain, de Lost à Dexter en passant par tout les ratages "high-concepts" de ces dernières années. Même X-Files, premier berceau de Vince Gilligan, n'a jamais tenu toutes ces promesses, d'après ce que j'ai compris en lisant Sullivan cet été (et ça n'enlève rien de sa superbe, bien entendu). Le truc, c'est que Breaking Bad a réussi à maintenir sa forme jusqu'à la fin car elle n'était pas qu'un high-concept, qu'une suite de rebondissements, que la vision d'un showrunner, que le produit d'une chaîne câblée aventureuse. Elle a réussi car chacune de ses réussites naissait de personnages solides. Portés par un cast solide. Magnifiés par une réalisation solide. Ses faiblesses sont les moments où l'effet de style et la tentation du "bigger than life" prenait le pas sur la psychologie des personnages (Gus, je me tourne de nouveau vers toi). L'ultime saison et ce final auront rendu hommage à tous ces ingrédients savamment cuisinés par la team Gilligan et ça me laisse admiratif, impressionné, satisfait et triste car bordel, ce sera quand la prochaine fois qu'on aura le droit à une telle aventure humaine ? 

Pas besoin d'entrer plus dans les détails. "Felina" est à l'image de la série : aussi chirurgical que profondément humain. Aussi prévisible que surprenant. Il récompense tout le monde : le cast, les fans de la première comme de la dernière heure (et ils étaient nombreux hier soir sur AMC), tout ceux qui ont cru en ce pari fou et investi autant de passion et d'énergie dans de la fiction. Juste de la fiction au final et tout son pouvoir nous laisse rêveur et orphelin ce soir. "Lundi prochain, un grand vide va se faire ressentir. J'attendrai avec impatience et tristesse ta dernière review (même si je sais que tu seras amené à reparler de cette série de nombreuses fois). Mais c'est le genre d'expérience que je suis heureux d'avoir vécu. Car les séries, comme tu le prouves sur ton blog depuis si longtemps, ce n'est pas un sous-genre, un sous-cinéma. C'est une entité à part entière, avec ses navets et ses chefs-d'oeuvre. Et Breaking Bad est une des plus abouties que j'ai pu voir, qui mérite de rester dans les mémoires." O'Azard, l'un de mes plus fidèles lecteurs et commentateurs, avait écrit ça la semaine dernière et il avait raison. Il savait que je continuerais d'écrire sur Breaking Bad pendant encore longtemps et que cette expérience était unique. Que tu considères la série comme ta favorite ou non, que tu réalises ou non que ça n'a pas de sens de toute façon, tu sais aujourd'hui que c'était unique et que c'était fort comme expérience.


Que la joie ressenti devant le cri de délivrance de Jesse, c'est un sentiment que la vie te réserve rarement mais que la fiction bien faite peut t'offrir sans que tu te lèves de ton canapé (je suis heureux qu'il n'ai pas tué Walt car il vaut mieux que ça. Car il vaut mieux que Walt). Que la perfection n'existe pas mais que, selon moi, on vient de s'en approcher en termes de narration à la télévision. Que grâce à la bande-son impeccable de la série, j'ai un tas de chansons que je peux réécouter pour me replonger dans cette période de ma vie et dans ce feuilleton extraordinaire, pour revenir au Nouveau-Mexique. Que je peux enfin conseiller une série à quelqu'un en étant sûr de ne pas lui faire perdre son temps. Que tout les gens qui ont participés de près ou de loin à Breaking Bad, Bryan Cranston et Aaron Paul en tête, auront toujours mon admiration. Voilà.

It's All Over Now, Baby Blue... Et en même temps, il suffit de relancer le pilote et en fait, c'est toujours là. Voilà pourquoi, et ça c'est Breaking Bad qui vient de me le rappeler, je préfère la fiction à la réalité.

"I liked it. And I was... really... I was alive".

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