7.06 The Strategy


Quel bel épisode... Je me dis que la série pourrait presque se terminer sur ce plan final et j'en serais satisfait. Une drôle de famille, réunie autour d'un bon vieux plat américain dans un fast-food. On peut y voir une sorte d'hommage aux Sopranos de la part de Weiner ou tout simplement la conclusion parfaite à un épisode qui se recentre sur les relations entre des personnages en dérive depuis le début de saison. Et qui, tout comme l'exprime Don avec une belle vulnérabilité, sont toujours à la recherche d'un accomplissement et de quelqu'un pour les aimer. C'est ce qui les relie, ça et un instantané de l'Amérique à la fin des années soixante. Oui, cette image est parfaite et très touchante. Paisible comme la fin d'une époque. 

Mais avant que nos trois camarades en arrivent là, il faut les rendre suffisamment inconfortables pour qu'ils y trouvent du réconfort. Et pour la première fois depuis longtemps, on a le droit à un "Pete Campbell est un misérable et pathétique looser show", qui permet de voir à quel point le soleil de la Californie ne l'a pas changé. Oui, New York Pete est de retour et tout le monde en fais les frais : Peggy qui se prend toute sa condescendance en pleine tronche (et celle de Ted par la même occasion), sa nouvelle petite amie qu'il a du mal à voir comme autre chose qu'un trophée qu'on exhibe (et qui finira par le quitter) et Trudy, qui se rappelle aussitôt pourquoi elle a demandé le divorce (tiens, c'est la première fois que l'on voit Alison Brie post-Community et ça fait plaisir). Malgré tout, et parce qu'on a l'habitude désormais, on ne peut s'empêcher de suivre en souriant et avec un minimum d'attachement les mésaventures de Pete. Car à ce rythme là, son bronzage va vite disparaître et son sourire flamboyant du début de saison ne sera plus qu'un lointain souvenir. Même dans la scène finale, celle du répit, il trouvera le moyen de se ridiculiser. Et c'est comme ça que j'aime cette vieille enflure de Pete Campbell, merci de l'avoir remis sur le devant de la scène avant qu'il ne soit trop tard. 

De son côté, Don reçoit une visite de Megan et ça se passe plus sereinement que ses récentes visites à Los Angeles. Mais clairement, la magie a disparu. Ce n'est pas nouveau (je croyais même qu'ils avaient rompu déjà plusieurs fois) mais c'est de plus en plus triste à mesure que chacun d'entre eux nie l'évidence et refuse de s'avouer la vérité : il n'y a plus de véritable amour. Et la rupture est inévitable comme nous le rappelle la une que Don retrouve par hasard, avec le meurtre de Kennedy en une, publié à l'époque où son mariage avec Betty s'écroulait. Il faudrait que Joan vienne leur donner le courage nécessaire pour réaliser qu'il vaut mieux mourir seul que de faire le moindre compromis à ce sujet. Mais ce n'est pas très réaliste. Et c'est beaucoup plus simple d'élaborer une stratégie, ou plutôt une suite de stratégies, pour ne pas être seul et avoir de la reconnaissance, même si elle est condescendante ou hypocrite. Le calcul est bien plus naturelle que la pureté des sentiments. 


C'est pourquoi la conversation entre Don et Peggy et la petite danse qui s'ensuit est si poignante. Dans un remake de "The Suitcase" (le meilleur épisode de la série ?), les deux collègues oublient toute notion de hiérarchie, toute condescendance et tout calcul. En travaillant main dans la main sur la stratégie de la campagne Burger Chef, les voilà qui se surprennent dans un vrai moment de sincérité. Où Don se confie plus ouvertement à Peggy qu'il ne l'a jamais fait avec Megan. Où Peggy obtient la reconnaissance de son ancien mentor plus authentiquement que jamais et nous confie son désir d'enfant (tragique quand on se souvient de son passé à ce sujet). Et où, sur un pied d'égalité, nos deux âmes torturés se mettent à danser. Au son du "On My Way" de Frank Sinatra, le hit de l'été 1969, dont on avait oublié, à force de l'entendre, le potentiel émotionnel. 

Si seulement Joan pouvait trouver un homme avec qui danser. Si seulement Bob Benson pouvait arrêter de fabriquer son sourire pour se protéger d'une société qui n'est pas prête à l'accepter. Si seulement l'agence pouvait arrêter deux secondes ses guerres internes pour travailler main dans la main et obtenir Buick sans s’entre-tuer. Mais ce n'est pas réaliste.

Et malgré tout, ça fait du bien d'avoir vu un peu d'amour et de fragilité au milieu de tout ce réel écrasant. Ici, personne n'était sous LSD ou sous la drogue magique de "The Crash". Un peu d'alcool certes, mais surtout, beaucoup de lucidité. Et un dialogue aussi simple et épuré que peut l'être une punchline de Don Draper. Ou de Peggy Olson.


Tout le monde était présent dans "The Strategy". Toute la famille. Et c'était très beau.

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