Souvenirs d'ER #3

Le 19 septembre prochain, ER aura vingt ans. Ce sera en tout cas la date anniversaire de la diffusion, en 1994, du pilote de la série sur NBC. Pour fêter ça, retour avec ce "magazine" sur l'histoire de la série ou plutôt, mon histoire avec la série.

WAITING ROOM / Dans la salle d'attente de ce troisième "numéro", mon esprit s'évade et je me dis que, si la série était toujours à l'antenne, elle attaquerait à la rentrée sa 21ème saison. Je me demande quelle gueule aurait le Cook County. Si un spin-off avec The Good Wife serait une bonne idée. Je me demande si Carter serait toujours dans les parages ou si Rachel Greene serait devenue depuis longtemps celle qui donne le ton. Je m'étais déjà posé toutes ses questions en tentant brièvement d'écrire une fanfiction sous forme de Saison 20. J'avais jamais terminé mais n'hésitez pas à aller lire ça et à me donner envie de reprendre ou à proposer un nouvel épisode. 


ADMISSIONS / Je ne peux plus laisser traîner ça. Cette semaine, je m'intéresse à celui que la plupart des fans considère comme le véritable pilier et l'âme de la série : le docteur Mark Greene. Si Carter était celui par qui on découvrait l'hôpital, Mark était celui qui nous inspirait confiance dès le départ et s'imposait comme la personne à suivre dans les couloirs des urgences. Il suffit de regarder le pilote pour découvrir tout ce qui fait le charme du personnage qui collera toute sa vie à la peau d'Anthony Edwards : humble mais ambitieux, dévoué avec ses patients mais sachant faire preuve de recul si nécessaire, sévère mais juste avec ses amis, père divorcé mais excellent père, c'est un type quasi-parfait. Très rapidement, le reste de la saison réussira à le rendre de plus en plus complexe et fragile, jusqu'à l'apothéose émotionnel "Love's Labor Lost", l'un des plus bouleversants épisodes de la série.

Et pendant les sept saisons qui suivront, Mark gagnera en épaisseur dramatique en étant confronté à de nombreuses épreuves, sans jamais perdre sa place d'élément central et attachant. Il y aura le départ de Susan, qui le conduit à une crise de la quarantaine en Saison 3. Une terrible agression (j'en parlais la dernière fois) qui entraîne chez lui des troubles du comportement et une relation bien triste avec une réceptionniste (Saison 4). Une tentative de réconciliation familiale qui arrivera sur le tard, au moment où son père perdra son combat contre le cancer (Saison 6). Et une tumeur qui viendra le toucher lui et scellera son destin, malgré ses efforts pour le repousser et un ultime effort pour renouer des liens avec sa fille (Saison 8). Je crois avoir résumé les principales intrigues personnelles du médecin (sans compter sa belle romance avec Elizabeth Corday), qui était tout aussi passionnant dans les couloirs de l'hôpital qu'à l'extérieur.


Et quand je pense à Mark Greene, je pense à ses patients et à la légende de Superman qui l'entoure, que Carter confie à Abby lors de la veillée funèbre de leur mentor. Ce sont les patients de Mark dont je me souviens le plus, de la jeune mère qui périt en donnant naissance à son fils ("Love Labo'rs Lost", encore lui) à Loretta Sweet, la prostituée qu'il prend sous son aile sans oublier cette petite fille qui aura la chance d'être sa dernière consultation ("Orion in the Sky", le dernier jour aux urgences de Mark et l'un de mes épisodes favori de la série, on en reparle plus bas). C'est un pontif mais c'est vrai : Mark Greene est le médecin qu'on aurait tous aimé avoir.

Et en tant que bon catalyseur, c'était aussi un excellent ami, faisant le lien entre Doug Ross (malgré des adieux doux-amer), Susan, Carol, Kerry (après une longue rivalité) et étant le guide de Carter, Lucy et de tant d'autres étudiants et internes qui ont défilés au Cook County. Les épisodes les plus représentatifs de l'ère Green, j'en ai déjà cité plus haut et je rajouterais "A Shift in the Night" (Saison 2), "Fathers & Sons" (Saison 4), "Point of Origin" (Saison 5), "The Fastest Year" (Saison 6), "Piece of Minds" (Saison 7) et bien sûr, les adieux à Hawaï de "On The Beach" (Saison 8). Et ce "Somewhere Over The Rainbow" qui nous rappellera pour toujours l'un des personnages les plus attachants et complexes de la télévision. Charismatique tout en simplicité grâce à un Anthony Edwards qui, je le répète, mérite vraiment de retrouver du travail un jour au l'autre (et je ne parle pas de chasser des nazis).

Mais au final, ce qui me rappellera toujours Mark Greene, ce n'est pas une chanson ou un moment tragique de l'histoire de la série. C'est cette scène culte, qui donne le ton de la série et apparaît dès la fin du pilote (puis dans le générique) : celle où Mark vient réconforter Carter, traumatisé suite à une intervention musclé en salle de réanimation. On voit d'abord sa silhouette dans une flaque d'eau puis il s'agenouille auprès de lui (Carter refera la même chose des années plus tard) et lui offre ses conseils :
"Don't ever say you're sorry. See, there's two kinds of doctors... there's the kind that gets rid of their feelings, and the kind that keeps them. If you're gonna keep your feelings, you're gonna get sick from time to time, that's just how it works. Keep your head down. People come in here and they're sick and dying and bleeding and they need our help. Helping them is more important than how we feel. But it's still a pain in the ass. Sometimes, I just want to quit and do somethin' else. Yeah. Why don't you take a few more minutes ?"
L'évangile selon Saint Greene, où tout est résumé : la sagesse, la sincérité, l'humanité et la compassion. Qui seront aussi ses plus grandes faiblesses mais heureusement, Mark n'est pas parfait et c'est pour ça qu'on se souvient encore de lui.

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SALLE DE RÉANIMATION / C'est dans une salle de réa (la 2, c'était ma favorite) que j'examinerais à chaque fois une saison au hasard (pas dans l'ordre, sinon je m'ennuierais). Et le tirage au sort a désigné... la huitième saison. 

Alias la première saison que j'ai pu suivre lors de sa première diffusion le dimanche soir sur France 2. Enfin presque puisque, comme j'étais encore jeune, mes parents me l'enregistraient pour que je le visionne le lendemain. Et prenait encore soin de me mettre en garde si une scène leur semblait un peu trop sanguinolente. Je ne sais pas si c'est dû à ça, mais la huitième saison fait toujours partie de mes saisons favorites de la série. Avec la sixième, qui était la première que j'ai pu voir du début à la fin. Le point commun entre ces deux saisons ? Beaucoup d'arrivées et de départs. Beaucoup d'activité au County et malgré le désordre, des épisodes qui sont parmi les plus marquants.


Une page se tourne avec la huitième saison qui voit le départ de deux membres du casting original : Anthony Edwards et Eriq LaSalle. Les adieux du premier, je l'ai déjà évoqué plus haut et on peut dire qu'ils étaient à la hauteur. Au départ, j'avais peur que le retour de sa tumeur entraîne des choses redondantes avec la saison précédente mais les scénaristes ont encore des choses à nous dire sur la maladie (encore heureux pour une série médicale) et on sait très rapidement que cette seconde lutte ne sera pas longue. Le plus émouvant, c'est de voir Mark se résigner et décider de mourir dignement. Son départ des urgences est un grand moment dans l'histoire de la série, qui permet de truffer les épisodes de moments résonnants sur le passé et le futur d'ER ("Orion in the Sky" et "The Letter", en particulier). Et puis il y a l'épisode à Hawaï, presque gâché par le changement de casting de Rachel Greene mais pas suffisamment pour ne pas qu'on pleure à chaudes larmes quand notre médecin favori pousse son dernier soupir, apaisé. En larmes et presque avec un sourire d'apaisement nous aussi.

Le départ de Peter sera moins réussi : je n'ai jamais vraiment aimé les intrigues judiciaires liés à la garde d'enfant et j'aime encore moins le personnage de Cleo Finch, antipathique à souhait. Alors en liant les deux à forte dose lors de la première moitié de saison, la série m'ennuie. Eriq LaSalle tire quand même son épingle du jeu et on a le droit à de belles scènes avec son gamin. Quand on apprend à ce dernier, atteint de surdité, que sa mère vient de mourir dans un accident de voiture (c'était quand même bien dark ER) ou bien quand Romano montre un peu d'humanité en lui faisant signe de prendre soin de son paternel. Heureusement, l'ultime épisode de Benton est une réussite. "I'll Be Home For Christmas" parvient à boucler sur une belle note son parcours dans la série, à remettre le bloc opératoire sur le devant de la scène une dernière fois et à lui offrir un adieu chaleureux avec son éternel padawan Carter.


Autour de ces deux moments pivots, la saison offre de belles partitions à la plupart des personnages : Carter qui montre dès l'intense épisode "The Longer You Stay" qu'il est capable d'assurer le suivi de son maître. Abby qui lutte contre ses vieux démons et joue au chat et à la souris entre John et Luka, sans jamais devenir femme-objet de désir ou être défini par ça en tout cas. De son côté, Kerry affirme son homosexualité au côté de Sandy, nouvelle conquête qui lui apprend à assumer sa sexualité et à affronter le regard de ses collègues, Romano en particulier. Sans oublier l'arrivée de Michael Gallant, marchant dans les pas de John Carter ou celui de Gregory Pratt, pas encore entièrement un boulet.

J'en oublierais presque d'évoquer le retour de Susan Lewis, cinq ans après son départ. On ne peut pas dire que les scénaristes lui donnent beaucoup de matière au départ (une romance embarrassante avec Carter et un sentiment d'être de trop dans un cast déjà bien fourni) mais elle se rattrape par la suite en soutenant son vieil ami Mark, en partant à New York pour un crossover sympa avec Third Watch et surtout lors de l'épisode concept "Secrets & Lies", un hommage au Breakfast Club qui n'a pas convaincu tout le monde mais qui, moi, m'a ravi. Les grands perdants seront en vérité Luka et sa romance soporifique avec Julie Delpy, Jing-Mei Chen à qui on offre très peu et Dave Malucci qui part par la petite porte dès le début de la saison (malgré une dernière réplique coup de poing).


Agitée, débordante d'intrigues et de personnages, étant parfois excessif dans sa volonté d'en faire toujours plus (l'épidémie final, presque de trop), la huitième saison d'ER annonce déjà les défauts de celles qui vont suivre. Mais elle le fait de manière souvent passionnante et enchaîne les épisodes qui sont dans mon panthéon personnel. Rien ne sera plus comme avant.

Sélection S8 / "The Longer You Stay", "I'll Be Home For Christmas", "Secret & Lies", "Orion in the Sky", "The Letter", "On The Beach"... La liste est longue !

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PARKING DES AMBULANCES / Comme tous ceux qui sont parti du County (vivant), je termine ma course sur ce fameux parking où résonne les ambulances et tous les souvenirs de parties de basket entre collègues et d'adieux émouvants. Car ce que j'aimerais vous proposer avec cette rubrique, ce sont des anecdotes personnelles sur ma relation avec ER au fil du temps. 

Je vous l'expliquais en parlant de la huitième saison : ma mère et mon beau-père ne me laissaient pas regarder ER lors de sa première diffusion sur France 2 car j'avais de l'école le lundi matin. Il aura fallu attendre la onzième saison pour que j'ai ce privilège et après, la chaîne condamnera la série à sa deuxième partie de soirée. Mais avant, quand je devais dormir, ils enregistraient pour moi. Ca ne m'empêchait pas d'écouter les premières minutes en collant mon oreille à la porte de ma chambre. Je reconnaissais les voix, tremblait quand résonnait le générique, c'est presque pathologique et ça m'empêchait de fermer l'oeil car je m'imaginais ensuite un tas de choses sur le sort des personnages. Je me souviens en particulier de la diffusion de "Chaos Theory", le season premiere mouvementé de la Saison 9. L'accident qui frappe Romano, je l'ai entendu sans voir de quoi il s'agissait et c'était vraiment stressant. Même chose pour "Kisangani", qui me semblait bien dépaysant à l'oreille. C'est peut-être à cause de cet exercice que j'ai toujours su apprécier la VF d'ER (même si bien sûr, j'ai privilégié la VF dès l'acquisition des DVD, j'y reviendrais). 


Le lundi soir, je sortais du bus scolaire en courant pour aller découvrir tout ça. Même quand j'avais pu squatter Internet au CDI pour en savoir plus sur les intrigues à venir, j'étais très excité et ne perdait pas une miette de ce qui se passait à l'écran. Ma mère et mon beau-père, qui regardaient la série depuis ses débuts sur France 2, étaient de moins en moins passionnés au fur et à mesure des années alors que moi, le virus m'avait pris définitivement. Les enregistrements, je les conservais par la suite en prenant soin de fabriquer des jaquettes en collant des articles des Télé Poche archivés (cf : la semaine dernière). Certaines avaient vraiment de la gueule (celle où j'avais compilé "Kisangani" et "The Lost", le doublon africain) et je dois encore en avoir quelques-unes même si l'arrivée des DVD m'a fait négliger ma collection faite-maison. Si je chope un appareil photo la prochaine fois que je rend visite à ma mère, je vous montrerais ça. Et si je trouve un magnétoscope qui fonctionne, j'irais me replonger dans l'habillage du France 2 de l'époque, le message du partenaire qui annonce la série avant que la musique du Previously résonne. De modestes Madeleine de Proust. 

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La prochaine fois, ce sera au tour d'une infirmière devenue aujourd'hui avocate de passer sous mon scalpel. Et j'examinerais également une saison où tout le monde est très jeune.

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