Souvenirs d'ER #4


Le 19 septembre prochain, ER aura vingt ans. Ce sera en tout cas la date anniversaire de la diffusion, en 1994, du pilote de la série sur NBC. Pour fêter ça, retour avec ce "magazine" sur l'histoire de la série ou plutôt, mon histoire avec la série.

WAITING ROOM / Dans la salle d'attente de ce quatrième "numéro", je me demande s'il existe vraiment un ancien membre du cast d'ER qui a su briller par la suite (sans compter George Clooney hein). Tout le monde a plus ou moins retrouvé du travail mais qui a vraiment su retrouver un vrai bon rôle dans une vraie bonne série ? Enquêtons, rapidement...


Les grands perdants : C'est hélas trois membres du casting d'original qu'on retrouve dans cette triste catégorie : à part pour un très bon second rôle dans le Zodiac de David Fincher, Anthony Edwards n'a jamais eu ce qu'il méritait et s'est retrouvé l'an dernier à chasser des nazis dans l'embarrassante Zero Hour. On a aperçu Eriq LaSalle dans des rôles mineurs de séries mineures (A Gifted Man, How To Make It in America, voyez le genre) et il joue les réalisateurs une fois par un. Et puis il y aSherry Stringfield, qui se retrouve dans Under The Dome et ça me fait beaucoup de peine. Si l'absence de Michele Michael et de Eriq Palladino sur mes écrans ne m'attristent pas autant, je suis un peu déçu de voir Parminder Nagra jouer dans The Blacklist mais comme je n'ai jamais vu la série de James Spader, ce serait juste médisant.

Ceux qui s'en sortent gentiment : Aussi médiocre soit-elle, Falling Skies est toujours à l'antenne et permet à Noah Wyle de gagner sa vie honnêtement. Il porte le truc sur ses épaules et son combat contre les aliens est devenu pour moi un guilty pleasure estival incontournable (où l'a rejoint le temps d'une saison une Gloria Reuben qui n'a jamais vraiment concrétisé sa carrière de choriste). De son côté, Laura Innes n'a pas eu de chance avec ses deux dernières séries : The Event et Awake furent rapidement annulés et on ne peut blâmer personne pour ça. Heureusement, elle s'en sort mieux derrière la caméra même si elle s'y fait rare depuis l'annulation de Brothers & Sisters. Même syndrome pour Paul McCrane, devenu rare devant l'écran mais très actif en réalisateur "freelance". À cause d'un vilain cancer qui l'a écarté du pilote de Parenthood, Maura Tierney a manqué une belle opportunité. Ses rôles de guest-star dans Rescue Me ou The Office n'avaient rien de mémorable mais dans The Good Wife, elle était excellent. J'ai bon espoir la concernant avec l'arrivée prochaine de The Affair. Goran Visnjic est actuellement à l'affiche d'Extant avec Halle Berry, un an après l'annulation de Red Widow. Je ne sais pas ce que valent ces deux séries mais au moins, il a du taf. Même chose pour Alex Kingston qui est récurrente à domicile dansDr Who et de l'autre côté de l'Atlantique dans Arrow. Après un passage inquiétant dans Two & A Half Men, Ming-Na a retrouvé sa dignité dans l'univers Stargate et bosse maintenant pour les agents de Marvel. On a vu Scott Grimes (qui est doubleur pour American Dad et Family Guy)dans un rôle d'urgentiste à Chicago où il soignait William H. Macy.Quand à Mekhi Phifer, il enchaîne depuis l'arrêt d'ER des rôles récurrents dans des séries dont je me fous, qu'il s'agisse de Torchwood, de Lie To Me ou de House Of Lies.


Les grands gagnants : Deux infirmières se retrouvent au sommet du classement : Linda Cardellini qui, tout en continuant de faire pas mal de doublages, obtient des rôles de guest-star classe dans Mad Men, New Girl et se promène tranquillement dans le paysage du cinéma indépendant. Celle qui s'en sort le mieux sans hésitation, c'est quand même Julianna Margulies, devenue Alicia Florrick dans la très bonne The Good Wife. Ca tombe bien, on va pas mal parler d'elle cette semaine... 

ADMISSIONS / Oui, vous l'aviez compris, c'est Carol Hathaway qui est à l'affiche. L'histoire est connue : l'infirmière n'aurait jamais dû survivre à l'épisode pilote où elle tentait de se suicider. En voyant le talent de Margulies, les scénaristes lui offrir une nouvelle chance et elle s'imposera comme le personnage féminin le mieux dessiné de la série jusqu'à son départ à l'issue de la sixième saison.


Au départ, c'est donc un personnage sombre, en pleine dépression qui doit pourtant rapidement reprendre le travail. Et ce sera significatif du parcours de l'infirmière : une vie personnelle dure marqué par une série de tragédie et déconfitures (un mariage raté en Saison 1, sa relation chaotique avec l'ambulancier joué par Ron Eldard dans la Saison 2, ses problèmes financiers la poussant presque à vivre à la rue en Saison 3, le départ forcé de l'homme de sa vie en Saison 5 et une grossesse douloureuse et solitaire en Saison 6) que Carol affrontera toujours avec détermination et qui ne l'empêcheront jamais d'être celle qui travaille le plus et pour un salaire bien plus misérable que ses "éminents" collègues. Appréciée de tous malgré son caractère bien trempée, Carol est une meneuse et le reste du personnel a confiance en elle, parfois bien plus qu'en Kerry Weaver ou des gens hauts placés. Avec ses origines grecques et sa maison en ruines au pied du métro aérien, Carol a un côté prolo qui lui permet d'être souvent celle qui appréhende au mieux le monde de prolo qui visite quotidiennement le Cook County. Elle ira même jusqu'à ouvrir tant bien que mal une consultation gratuite pour les jeunes femmes dans le besoin.

Sentimentalement, il est difficile de ne pas évoquer sa romance avec Doug Ross. C'est difficile de les supporter se tourner autour au départ, surtout quand on sait qu'une première tentative a poussé l'infirmière à la tentative de suicide. Mais peu à peu, le personnage de Clooney évolue et c'est avec l'aide de Carol que se fera sa rédemption. Leurs retrouvailles durant la Saison 3 se font donc de manière organique et leur couple sera par la suite plutôt solide et attachant, tant l'alchimie entre les deux acteurs était bien réelle. Et tout comme son comparse, Carol était, ne l'oublions pas, un personnage ne manquant pas d'humour et qui, malgré tous ses soucis, apportait une légèreté bienvenue à pas mal de situations. Ces deux-là ensemble formait même à l'occasion un véritable duo comique.


La romance va durer jusqu'au départ de Doug qui va laisser Carol seule pour affronter la vie à Chicago et une grossesse surprise. Si elle peut compter sur Mark (avec qui elle partage une belle amitié), elle se retrouve étrangement isolé, comme si elle était un vestige des premières saisons et que, sans Doug Ross, les scénaristes ne savaient plus quoi en faire. Malgré une tentative perdue d'avance de la faire succomber aux yeux de cocker de Luka Kovac, Carol reste digne lors de cette sixième saison qui sera sa dernière. Et "Such Sweet Sorrow", son ultime épisode, est l'un de mes favoris de la série : Margulies y est particulièrement émouvante et tout ce qui faisait de Carol un pilier des urgences est rappelé à notre bon souvenir. Même sa "romance" avec Luka aboutit sur une jolie scène et ses retrouvailles avec Doug sur une belle surprise. On reverra Carol lors de la quinzième et dernière saison, toujours en compagnie de son mari, toujours dévoué à la médecine, comme prévu.

C'est en tout cas un plaisir de voir Margulies faire de nouveaux miracles à Chicago dans The Good Wife. Et pour conclure, je le répète : si Abby était celle que j'affectionnais le plus à l'époque car j'avais débuté la série sur le tard, il n'y a pas photo, c'est Carol Hathaway qui reste la meilleure infirmière et le meilleur personnage féminin a avoir arpenté les couloirs du Cook County.


SALLE DE RÉANIMATION / C'est dans une salle de réa (la 2, c'était ma favorite) que j'examinerais à chaque fois une saison au hasard (pas dans l'ordre, sinon je m'ennuierais). Et le tirage au sort a désigné... la première saison. Celle dont on va célébrer les vingt ans en septembre, justement.

Et là, je dois vous avouer que ça doit faire au moins cinq ou six ans que je n'ai pas revu ces épisodes, mise à part le pilote. Mais faîtes moi confiance, je connaissais tout ça par cœur à l'époque et j'ai plutôt une bonne mémoire. Je me souviens par exemple que certaines choses ont bien vieilli et d'autres beaucoup moins : la réalisation à la steadycam incroyablement rythmé et suivant les acteurs comme dans un ballet, ça a bien vieilli et depuis, la télévision en raffole (Sorkin sera celui qui l'utilisera de la manière dont je préfère, "le walk and talk"). Les coupes de cheveux, styles vestimentaires et références culturelles, ça a moins bien vieilli. Tout cela est logique et on ne peut pas reprocher à ER d'avoir voulu être de son temps, c'est même ce qui fait parfois la force de certains cas médicaux qui eux, sont toujours d'actualité (et si on prend une intrigue introduite en Saison 7 comme l'homosexualité de Weaver et le regard de ses collègues, je ne pense pas que ça ait évolué tant que ça depuis 2000).


Clairement, ce qui m'avait le plus marqué en découvrant cette première saison lors de sa sortie DVD en 2004 (la première fois que je me payais un coffret DVD !), c'est à quel point la série se focalisait principalement sur le travail des médecins. Ce qui est logique pour une série hospitalière mais pas si évident lorsque que, comme moi, on a découvert la série lors de la sixième saison, où l'équilibre vie professionnel/vie privée n'était plus le même. On quitte peu le Cook County au départ, ce qui nous plonge dans une ambiance presque claustrophobe, renforcé par un pilote qui se passe dans l'espace d'une seule journée ou des épisodes qui se passent lors d'une garde de nuit ou pendant un huis-clos causé par le blizzard. C'est un moyen efficace pour comprendre ce que peut ressentir quelqu'un comme John Carter qui débarque dans cet univers et s'y retrouve complètement absorbé ou pour ressentir la fatigue d'un Mark Greene finissant sa garde au petit matin ou un Peter Benton sous tension car son épuisement pourrait être fatal pour les patients du bloc opératoire. Le réalisme est de mise, le jargon médical nous est balancé d'emblée sans nous prendre par la main et tout se déroule à une vitesse folle.

Un autre élément assez spécifique à ces débuts, c'est que l'humour est vachement présent. Il est en tout cas beaucoup utilisé pour relâcher la tension et on se retrouve avec pas mal de moments de légèreté aux urgences, que ce soit grâce à des personnages secondaires ou à une équipe qui n'hésite pas à balancer "Twist And Shout" des Beatles au milieu de la réception pour se détendre. Ainsi, les liens entre les membres du personnel sont bien plus forts qu'ils ne le seront par la suite, bien moins forcés. À partir de la troisième saison, l'ambiance va s'assombrir et les personnages s'éparpiller. Et si l'humour reviendra à l'occasion (souvent grâce à ce bon vieux Jerry), il sera plus acerbe ou sarcastique. Et quand les dernières saisons voudront nous offrir de la rigolade, ça fera rarement mouche et apparaîtra plutôt comme un effort pour concurrencer Grey's Anatomy sur le terrain de l'humour potache, engendrant plusieurs générations d'internes bien idiots. Là, en première saison, c'est convaincant même quand l'humour est vieillot, car c'est bien dosé et cohérent avec l'équipe en place.


Une équipe qui a tout de même ses soucis personnels et la série sait déjà bien les dépeindre, sans avoir besoin de recourir à un hélicoptère ou une épidémie pour faire monter la tension. Non, il s'agit d'un divorce, d'une mère malade, d'une sœur irresponsable ou d'un mariage sans amour, des intrigues réalistes qui nous sont racontés en tombant rarement dans le soap (même si la romance de Susan avec son psychiatre devenu fou ou celle de Doug avec une mère célibataire m'avaient gentiment ennuyé). Tout le monde a déjà trouvé les bases de son personnage et fait de l'excellent boulot, même si Noah Wyle est encore un peu jeune et son Carter un peu caricatural. Des guest-star de luxe viennent développer l'univers de l'hôpital dont on visite à l'époque plusieurs étages et plusieurs services : Michael Ironside, CCH Pounder, Rosemary Clooney (bouleversante en patiente victime d'Alzheimer).

Et puis il ne faut pas oublier qu'à l'époque, toute l'équipe de scénaristes et de réalisateurs était une vraie dream team. Sous la supervision des producteurs Steven Spielberg et Michael Chrichton, on assiste aux exploits de ceux qui seront incontournables derrière les caméras de télévision par la suite : Mimi Leder, Elodie Keene, Charles Haid, Mark Tinker, Christopher Chulack et même un certain Quentin Tarantino venu s'amuser avec la formule durant l'épisode "Motherhood". Même chose pour les scénaristes et toute une équipe technique de maquillage, sons, lumières et photographie qui seront justement récompensés aux Emmy Awards. Car oui, il ne faudra pas attendre longtemps que cette formule choc et inédite sur un network paye aussi bien aux yeux des critiques que du public. C'est le début d'un phénomène.


Et même si je vous disais que tout à l'écran n'a pas si bien vieilli, on tient quand même la saison la plus cinématographique et avant-gardiste visuellement. L'hôpital est filmé dans tous les sens et on sent que la créativité est au rendez-vous. Derrière la caméra mais aussi derrière le script car ER tente déjà des choses avec les huis-clos dont je vous parlais plus haut et surtout, l'inoubliable "Love's Labor Lost". Je l'évoquais la semaine dernière en dressant le portrait de Mark Greene et je ne saurais mieux en parler que l'équipe du AV Club qui lui rendait hommage récemment. On retiendra aussi un "Blizzard" passionnant, un "Chicago Heat" torride, une nuit blanche à Chicago ("Sleepless in Chicago") à l'ambiance nocturne envoutante et un "Motherhood" expérimental qui utilise à merveille un classique des Beatles. Vous voyez, je me souviens presque de tout. Et j'ai la forte envie de tout recommencer depuis le début.

Sélection S1 / "Pilot", "Blizzard", "Love's Labor Lost"

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PARKING DES AMBULANCES / Comme tous ceux qui sont parti du County (vivant), je termine ma course sur ce fameux parking où résonne les ambulances et tous les souvenirs de parties de basket entre collègues et d'adieux émouvants. Car ce que j'aimerais vous proposer avec cette rubrique, ce sont des anecdotes personnelles sur ma relation avec ER au fil du temps. 


Le collège, c'est la période scolaire que j'ai le plus mal vécu. Et c'est à la même période que ma passion pour ER était la plus prononcée. Tout comme Friends ou les Beatles, la série était devenu un échappatoire (oui, j'aurais aussi pu me plonger dans la lecture de Platon et Shakespeare mais ça n'était pas diffusé sur France 2 à 18h hélas). Il arrivait même que la série m'accompagne dans les couloirs du collège, que ce soit grâce à mes petits classeurs remplis d'articles (que je dissimulais autant que possible pour ne pas me faire taper) ou parce que j'avais décidé d'imaginer que mon parcours scolaire était un peu comme celui de Carter au Cook County. Une habitude que j'ai conservé par la suite au lycée et à la fac : arriver dans un lieu d'études ou de travail en me disant que je suis en plein parcours d'apprentissage avec une nouvelle galerie de personnages et en imaginant à quoi ressemblerait le générique de la série de NBC avec la gueule de tout le monde. Un autre moyen de ne pas vivre dans le présent et d'enrichir névrose et mégalomanie certes mais aussi une extension à ma passion/obsession compulsionnelle). 

Et au collège donc, quand il fallu parler orientation, j'ai eu une période de doutes. Jusque là, je voulais devenir dessinateur de BD ou romancier ou scénariste. Raconter des histoires quoi. Et là, je me suis dit que j'allais tenter médecine. Que si je voulais aller jusqu'au bout de ma passion, autant en faire mon métier (je n'avais pas forcément compris que ma passion, c'était l'écriture et la télévision, pas soigner des gens). En regardant ma moyenne en maths, la conseillère m'a gentiment déconseillé de m'acharner, tout comme ma mère qui voyait bien qu'il ne s'agissait que d'un caprice. L'ambition ne m'a pas quitté pendant deux semaines et je portais fièrement ma blouse dans le labo scientifique en rêvant d'intégrer les urgences (ne sachant pas non plus que celles du Maine-et-Loire n'avaient rien à voir avec celles d'un hôpital public de Chicago). J'ai raccroché la blouse et ce rêve éphémère. Quand ensuite, Six Feet Under devient ma série préféré, je n'ai pas eu envie de devenir croquemort. L'expérience m'avait fait grandir un peu, j'imagine...

La prochaine fois, on s'arrêtera sur le cas d'un chirurgien qui aime bien faire des prises de karaté dans le vide au milieu des couloirs de l'hôpital. Et on étudiera une saison où tout le monde veut coucher avec Neela...

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