5.06 Devil You Know

"All a dream to begin with. Ain't nobody ever been free."

Sincèrement, qu'est ce qu'on attend de la dernière poignée d'épisodes d'un cable drama qui traite (entre autres) de la violence si ce n'est voir disparaître un à un les personnages ? C'est souvent les morts dont on se souvient en premier quand on repense à Deadwood, aux Sopranos, The Wire ou, plus récemment (ça fait seulement un an) à Breaking Bad. Ce sont des séries fatalistes où l'on en viendrait presque à être déçu si tout le monde s'en sortait en vie.


Toujours aussi mélancolique alors que la fin approche, Boardwalk Empire ne déroge pas à la règle, malgré son handicap de base : la vérité historique. Les vraies histoires qui nous font, par élimination, prédire celle-ci. Il suffit de lire Wikipédia pour être spoiler et, si on enlève les survivants de l'année 1931, il ne reste plus beaucoup de surprises. Alors ce n'est pas dans l'étonnement qu'on ira chercher le plaisir mais dans l'exécution respectueuse des figures qu'on a suivi depuis le début. Et quand je dis respectueuse, ça veut dire à la hauteur du personnage et de ce qu'il représentait. C'est ce que parvient doublement à accomplir cet épisode, le véritable début de la fin. 

J'ai toujours eu un rapport compliqué avec Nelson Van Alden. Lorsqu'il était encore un agent fédéral enquêtant à Atlantic City, il était une figure intrigante mais un peu trop détaché du reste de l'action (et un peu trop rattaché à l'agaçante Paz de la Huerta) pour m'intéresser autant que les autres. Michael Shannon avait beau livré une performance très engagé (un peu trop même parfois et à la limite du cabotinage), je ne suis parvenu à m'attacher à lui que lors de sa chute et de sa fuite, à la fin de la deuxième saison. Et c'est ses premiers pas à Chicago qui me laissent le meilleur souvenir de Van Alden : quand il met sa foi de côté, se résigne à travailler avec le commun des mortels puis à rejoindre l'équipe de Capone. C'est là qu'il était le plus touchant, le plus humain finalement. Jusqu'à, peu à peu, devenir un ressort comique, voire burlesque, comme l'a encore bien prouvé "King of Norway" la semaine dernière.


Quand il entre dans le bureau de Capone après avoir foiré son plan foireux ("this has not been tought through"), je savais que c'était la fin pour lui et je n'étais pas particulièrement ému. Mais comme il reste une putain de figure historique de la série, j'aurais été triste de ne pas le voir partir en beauté. Sa mort était tout à fait digne de lui, une ultime tirade frappée de la main de Dieu, où Shannon laisse entrevoir une dernière fois toute la folie d'un homme qui fut sans aucun doute marquant, qu'on ait réussi à l'apprécier ou à le supporter. J'étais prêt à me séparer de lui et le dernier plan sur son visage explosé était particulièrement réussi, suffisant pour qu'on se souvienne de toutes ces errances et de ses états d'âmes bibliques. Et mon soulagement fut énorme quand j'ai vu à quel point Eli s'en sortait bien. Ce dernier est déjà condamné depuis longtemps et, cruellement, je préfère le voir s'en sortir en fantôme plutôt qu'en cadavre. La suite n'en sera que plus dramatique. 

Ma relation avec Chalky est bien plus complexe. Si j'ai pu trouver que Michael K. Williams cabotinait tout autant parfois, les scénaristes ont vraiment su lui offrir un parcours plus solide. Mal exploité lors de la première saison, il est devenu un personnage essentiel à partir du moment où on décida de le mettre en avant et d'en faire autre chose qu'un associé freelance de Nucky. C'est en sauvant la vie de ce dernier qu'il devint définitivement l'un de mes personnages favoris et c'est lors de la quatrième saison qu'il reçut sa plus belle partition, face à l'hypnotisante Daughter et au docteur Narcisse. Et c'est en leur compagnie qu'il vit ses derniers moments. Là aussi, sa chute est prévisible (elle l'était à partir du moment où il refusa la protection de Nucky) mais c'est la lenteur du procédé qui la rend aussi percutante. Dans ce huis-clos ultra-tendu, chaque acteur est au sommet de son jeu pour nous offrir une scène de sacrifice bouleversante. Vendre son âme au diable ne rend pas libre, Chalky semble l'avoir compris mieux que quiconque, mais c'est avec un visage apaisé qu'il s'offre à une autre sorte de délivrance, celle qui nous attend quoi qu'il arrive. Celle qu'il ne méritait pas mais qui est un chant du signe parfaitement adapté au personnage et à son parcours. En début de saison, on l'avait retrouvé endurci et sans véritable raison de vivre. En retrouvant une dernière fois Daughter, il retrouve son coeur et trouve une belle raison de mourir. Moi aussi j'ai pleuré en entend sa voix et ce disque qui tourne dans le vide, plus personne pour l'écouter. 


Construit autour de ces deux adieux parfaitement orchestrés, l'épisode prend également le temps d'accompagner Nucky dans son deuil. Alors que la guerre qui se prépare lui demande toutes ses forces, il n'est jamais tombé aussi bas. Alors que les anciennes figures qui entouraient son quotidien tombent unes à unes, il est isolé et un vestige qui ne demande plus qu'à s'écrouler. Alors, comme lui, on fouille dans le passé, on essaye de trouver un sens à toute cette route parcourue, on revient aux origines pour tâcher de comprendre. Nucky, Jimmy et maintenant ce petit gars qui aide le vieil homme à se relever. C'est une boucle et l'histoire est déjà écrite, j'ai de plus en plus l'impression que la théorie que je vous dévoilais la dernière fois va se vérifier. Mais en attendant, voilà Enoch Thompson debout une dernière fois et, comme il nous reste deux épisodes pour aller jusqu'au bout du combat, aussi prévisible soit sa finalité, on va l'observer les yeux grands ouverts.

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