Bilan Saison 2

Avec un peu de retard, retour sur la deuxième saison de The Comeback en compagnie de l'ami Gibet. 


Dylanesque : Juste avant Noël, c'était la deuxième fois qu'on disait au revoir à Valérie Chérish. La première fois, c'était il y a dix ans et c'était le premier taf que trouvait Lisa Kudrow juste après la conclusion de Friends. C'est essentiellement l'envie de la voir de nouveau sur mon écran qui m'avait attiré vers la série de Michael Patrick King, diffusée sur HBO. J'y avait trouvé une utilisation très assumée du mockumentary popularisé par Ricky Gervais et bientôt par Greg Daniels avec son adaptation et une satire très drôle de la médiocrité du stardom. J'en gardais le souvenir d'un divertissement pas comme les autres et d'une Valérie qui affirmait sa volonté de plaire à tout prix en se lançant dans une interprétation passionnée du "I Will Survive" de Gloria Gaynor. 
Quand HBO a ressuscité la série, j'étais heureux de pouvoir la retrouver et me moquer gentiment d'un personnage pathétique et du monde encore plus pathétique qui l'entourait. Je ne m'attendais pas à ressentir autant d'empathie et à une saison aussi maîtrisée. Gibet, quelle effet t'avait fait la première mouture et avais-tu des attentes particulières concernant celle qui vient de s'achever et qu'on a, je pense, tous les deux vraiment appréciés, à quelques détails près ? 

Gibet : Pour ce qui est de mon avis sur la saison 1, j'aime pas me répéter, alors je renvoie ici. En gros j'explique que je me suis vraiment mis à aimer la série à partir des quatre ou cinq derniers épisodes car c'est là qu'ils ont commencé à trouver un équilibre dans le regard porté sur Valérie - avant ça ils ne laissent rien passer et par moments c'est étouffant et stérile. Pour ce qui est de mes attentes, du coup, je n'en avais pas d'autres que ça, qu'ils continuent sur cette lancée. Après, le problème c'est que - probablement d'ailleurs suite à la lecture de ma review - ils sont tombés dans l'excès inverse ; au lieu d'être trop méchants, ils sont devenus trop gentils. Mais il faut peut-être pas que je fonce tout de suite sur la fin. En fait, je pense que j'ai préféré la première partie de la saison 2 à la seconde car j'ai préféré les voir rebondir sur le hiatus, recaler un status quo inédit tout en sauvegardant l'univers et les enjeux de la saison 1, que les voir - même si c'est tout à leur honneur de refuser de faire deux fois la même chose - doucement transformer leur The Office en Parks and Rec.



Dylanesque : Oui, on peut discuter rapidement du début de saison parce qu'avant de devenir un peu plus guimauve dans sa conclusion, le show s'amuse quand même à passer la vitesse supplémentaire concernant le malaise. Le season premiere débute très fort même, avec une longue longue scène de réintroduction du personnage, toujours en train de mettre en scène son moindre geste. Et s'impose alors une idée plutôt maline pour justifier le retour : Valerie va jouer une version affreuse de son propre rôle dans l'autofiction HBO écrite par le scénariste junkie Paulie G. Après avoir réutilisé les codes de la reality-TV, c'est la chaîne-mère dont on va gentiment moquer les excès, en accumulant donc les couches de méta sans pour autant trop noyer les personnages dans le concept.

Car si on se marre bien et que l'humour est encore plus noir avec ce début de saison (le tournage de la fellation étant l'apothéose de ça), on réalise très vite qu'un soin encore plus particulier est apporté à la psychologie des personnages, qu'ils ne sont pas de simples pantins au service de la satire ou du rire jaune facile. Dès son audition, Valerie prend de nouvelles couleurs et se montre sous un jour plus attachant. Dès que l'on retrouve Jane, on en découvre plus sur ses motivations en tant que réalisatrice, sur son rapport à Hollywood. De son côté, Mickey, champion des one-liners, se retrouve humanisé à mort avec l'apparition de son cancer. Même Paulie G devient un antagoniste vraiment ambiguë, plus complexe que prévu, dont on aimerait en savoir plus. Quand Seth Rogen débarque dans ce petit monde et fait preuve d'une vraie bienveillance à l'égard de sa partenaire de jeu, on se dit "tiens, j'ai peut-être un peu moins envie qu'elle s'humilie devant nous". Si on grince des dents face à la scène finale de "Valerie Gets on her Knees", c'est qu'on est déjà à fond dans l'empathie.


Et pour que la saison bascule pour de vrai dans quelque chose de plus "gentil" comme tu dis, il ne manque plus qu'un focus sur le mariage de Mark et Valerie, mis à mal par un tournage chaotique. Pour moi, cette bascule de ton a fonctionné car elle ne dénature jamais vraiment ni le propos, ni les protagonistes et permet au contraire d'enrichir la portée de la série, plus seulement capable de nous faire rire mais aussi de nous émouvoir. Quand c'est bien équilibré, c'est en tout cas l'effet que ça a pour moi, ça me rappelle ce que "Eastbound and Down" pouvait faire de mieux. Quand on vire plus clairement et avec moins de subtilités vers le récit de rédemption, comme dans les ultimes moments de la série, je suis moins convaincu. Qu'as tu pensé de cet happy end et de la manière dont on nous y entraîne ? 

Gibet : Le happy end a engendré chez moi un truc que j'aime pas du tout qu'on engendre chez moi : le divorce de la tête et du coeur. Car ouais j'ai été ému par cette fin, j'étais avec Valerie quand elle décide de quitter les Emmy, quand elle galère à trouver un transport, quand elle se réconcilie, quand elle gagne son prix, etc, je pleurais comme une madeleine de Proust. Mais en même temps je trouvais ça vraiment pas terrible et j'étais en colère d'être ému. Or quand je suis en colère d'être ému, ça révèle aussitôt un truc : les types sont en train de jouer sur la corde sensible au détriment du reste, ici en l'occurrence au détriment de la cohérence de leur oeuvre et de la subtilité la plus élémentaire. Ce qui me dérange, ce n'est pas que la série finisse bien, mais qu'elle finisse par une rupture de ton aussi brutale, pour le coup pas du tout amenée. Je suis sûr qu'il y avait moyen d'arriver au même point en préservant la finesse et la cruauté du show. Par exemple, on aurait pu ne pas suivre du tout Valerie à l'hôpital. Rester aux Emmy, constater que le prix lui est décerné et que son absence cause un gros malaise à la cérémonie et hop fin de la série. Ça aurait peut-être même mieux dit ce que cette fin cherche à dire. 


J'aime pas trop non plus le sort qui est réservé aux personnages "méchants" - Paulie G, Jane, l'agent... C'est tellement expéditif les quelques plans pour conclure ces persos, en direct des Emmys. Ça nous dit tout à coup "tous ceux-là sont des méchants et regardez comme ils sont punis nananèreuh". Est-ce que Jane, qui est un personnage dense, qui est passé par plein de phases différentes mais qui globablement a su développer à l'égard de Valerie une sorte de bienveillance un peu lasse, mérite vraiment ce traitement-là ? J'ai eu le sentiment à ce moment-là que Jane était un "simple pantin au service de la satire". Pareil pour Paulie G. Je trouve qu'au début de la saison, ils faisaient avec lui un travail d'ambiguïté qui était vraiment intéressant. Tu m'avais dit que tu avais l'impression dans une scène du deux ou troisième épisode que Paulie G était amoureux de Valerie. J'avais pas ressenti ça, mais c'était super que la série soit suffisamment ambiguë pour donner cette impression à quelqu'un quelque part ! Mais cette ambiguïté, ils se sont empressés de l'effacer, probablement pour mieux arriver à cette fin - plus facile de glorifier un gentil, quand on a en face de lui un méchant. En gros, ce qui est dommage, c'est qu'ils aient pas apporté à tous les personnages le soin qu'ils ont apporté à Valerie, Marc et Mickey, alors que les personnages qui sont du coup laissés pour compte font tout autant partie de l'ADN de la série. Que serait The Comeback sans Paulie G ? Pas grand-chose on est d'accord, alors pourquoi ne pas l'honorer d'une véritable conclusion ?

Je dis tout ça, mais aussi j'arrive très bien à comprendre ce qui s'est passé dans leur tête quand ils se sont dit "on va finir la série comme ça". Je comprends qu'ils aient eu envie de rompre brutalement la forme, pour mieux signifier que Valerie devient un être autonome, qui n'a plus besoin de l'approbation de ce qu'elle fait par la caméra, je comprends aussi qu'ils aient eu envie de la suivre à l'hôpital en négligeant les autres car c'est elle et pas les autres leur héroïne... Alors voilà, j'arrive pas à décider ce que j'en pense, je me retrouve pantois, un peu comme à la fin de la saison 4 de Breaking Bad - c'est bien car ça va au bout d'une logique mais c'est pas bien car cette logique est ultra discutable. 

Dylanesque : C'est bien résumé. C'est ce que j'ai ressenti en tout cas : un sentiment mitigé. La saison a fait un excellent boulot pour que ce happy end soit mérité et me donne des larmes aux yeux. Et elle a aussi été suffisamment radical dans son approche documentaire où chaque personnage avait son intérêt pour que ce twist me frustre. Quitte à me donner quasiment envie de retrouver Valérie dans 10 ans. 


En attendant, je vais conclure en chantant à nouveau les louanges d'une Lisa Kudrow au top, dont chaque expression faciale est une merveille de drôlerie et d'émotions en tout genres. Il suffit de ne jamais la quitter des yeux pour être sûr qu'un truc marrant va sortir de son jeu qu'on croirait toujours improvisé (drôle d'ailleurs de la voir faire semblant de mal improviser lorsque son personnage rejoint une troupe). Et c'est finalement cette impression de spontanéité permanente qui rend la série vivante, qui fait qu'on la regarde les yeux grands ouverts, en guettant avec impatience le prochain naufrage ou la prochaine petite victoire. De Valérie bien sur mais, comme tu le disais, également de Jane, de Paulie G et des autres. En s'installant dans l'univers bien connu d'Hollywood pour en faire la satire, "The Comeback" a vraiment su développer son propre monde et, malgré un final un peu lâche à ce niveau, la seconde saison lui aura donné de belles heures supplémentaires pour exister. 

Si vous voulez encore du Kudrow, je vous conseille "Web Therapy". Inégale, la comédie partiellement improvisée qui suit les mésaventures de la personne la plus détestable du monde s'improvisant psychiatre permet de voir une belle ribambelles de guest-star à contre-emploi. Qu'il s'agisse des anciens partenaires de "Friends" ou de gens cool comme Mae Whitman, Victor Garber, Steve Carell et Meryl Streep, rien que ça.

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