Behind the Laughter : la forme documentaire dans les séries télé

It’s easier to tell a complex story when you can just cut to people explaining things to the camera. You can always wrap it up with a series of random shots, which, when cut together under a generic voiceover, suggest a profound thematic connection. I’m not knocking it. It works (Abed, Community S02E16).
En septembre, IFC a diffusé Documentary Now!, une anthologie de faux documentaires imaginés par Bill Hader, Fred Armisen et Seth Meyers. C’est passé plutôt inaperçu et c’est dommage parce que c’était bien plus solide et inventif que tout ce qu’a pu nous proposé cette fine équipe auparavant (Saturday Night Live et Portlandia notamment). Pendant sept épisodes, Helen Mirren – dans son propre rôle et avec toute sa classe – nous présente les meilleurs docus du siècle dernier et on se retrouve face à des parodies/hommages de classiques comme Nanouk L’Esquimau (1922) ou bien des investigations hipsters de Vice. En plus de pouvoir retrouver certaines guest-stars sympathiques (Jack Black et John Slattery) et d’en prendre plein les yeux grâce à une mise en scène/photographie qui s’amuse à reproduire les tics du genre, on peut y mesurer toute l’étendue du génie comique de Bill Hader. Qu’il interprète un vieux réalisateur de 70 ans ou un criminel désabusé, il entre dans la peau de ses personnages à fond et sublime tout ce qu’il touche.


Pourquoi je vous parle de ça ? D’abord pour que vous filiez regarder ça illico, ça sera aussi bien l’occasion de rigoler que d’en apprendre plus sur l’histoire du ciné. Mais surtout pour introduire cette nouvelle rétrospective où je vais vous raconter la formidable histoire du docu à la télévision. Ou, plus précisément, de l’utilisation de la forme documentaire au sein des séries télévisées américaines fictionnelles. C’est un dispositif assez récurrent et souvent utilisé pour permettre aux personnages de se livrer directement à la caméra, d’avoir une raison valable de briser le quatrième mur. C’est également l’occasion d’avoir un regard neuf sur un univers que l’on connaît bien et de jouer avec la forme le temps d’un ou plusieurs épisodes.

Je vais exclure de ma liste la forme mockumentaire qui est un genre à elle toute seule. Au cinéma, c’est par exemple le Zelig de Woody Allen ou le Borat de Sacha Baron Cohen. À la télé, c’est le The Office de Ricky Gervais qui sera par la suite adapté aux États-Unis pendant neuf saisons. Ses gimmicks seront déclinés avec plus ou moins de succès dans des séries comme The Comeback, Parks and Recreation ou Modern Family. Là, la forme documentaire est permanente. Sans forcément qu’on nous explique pourquoi, les situations sont filmées par une équipe documentaire et les personnages ont des instants de confessionnal face caméra (des « talking heads »). C’était très à la mode ces dix dernières années et ça a tendance à décliner car c’est un genre qui peine à se renouveler ou à trouver une raison originale d’exister encore. Là, on va plutôt s’intéresser aux séries qui ont utilisé la forme documentaire le temps d’un épisode pour voir à quoi ça a servi et si c’était réussi ou non.

M*A*S*H – S04E25 The Interview (24 février 1976)

« The Interview » est souvent considéré comme le meilleur épisode de la série. Non seulement il s’avère être pionnier dans l’utilisation de la forme documentaire – j’ai pas réussi à trouver d’exemples plus anciens – mais il permet un beau tour de force de la part des acteurs. En effet, quand le journaliste Clete Roberts rend visite au régiment et interroge les personnages sur leur ressenti au cœur de la Guerre de Corée, le cast a le droit d’improviser et livre de belles performances à fleur de peau. Si aujourd’hui, on est habitués à ce qu’un drama change son format à l’occasion – je dirais même qu’on l’attend au tournant pour qu’il le fasse – c’était novateur dans les seventies. En plus des « talking heads », l’épisode est en noir et blanc, il a un ton très grave et il vient clôturer la saison. Un must donc et un exemple que beaucoup tenteront de suivre. MASH essayera d’ailleurs de reproduire le même schéma quelques années plus tard mais « Our Finest Hour » ne sera qu’un clip-show déguisé.


WKRP in Cincinnati – S03E03 Real Families (15 novembre 1980)

Cette sitcom diffusée par CBS entre 78 et 82 et produite par le studio de Mary Tyler Moore suit le quotidien d’une petite station de radio de l’Ohio. N’hésitant pas à pousser le réalisme et la satire, elle était en avance sur son temps et a su garder une qualité constante et s’attirer les éloges de véritables animateurs radio – quand j’aurais fini de revoir l’intégrale de NewsRadio, sa plus chouette héritière, il faudra vraiment que je regarde l’intégrale de WKRP. Dans « Real Families », les scénaristes parodient une véritable émission d’investigation qui manipulait la réalité pour choquer les téléspectateurs (l’ancêtre de Tellement Vrai en somme). Le montage d’images volées permet une satire de ce genre d’enquêtes racoleuses et une moquerie du personnel de la radio, qui a l’air totalement idiot. Le détail amusant, c’est que la plupart des vrais téléspectateurs de CBS ont zappé l’épisode, qui a enregistré de vilains scores d’audience. Comme il débute par les images de la fausse émission, ils ont cru que WKRP avait été remplacé par un nouveau programme…


Babylon 5 – S02E15 And Now A Word (3 mai 1995)

Je vais pas vous mentir : j’ai pas réussi pour le moment à dépasser le pilote de Babylon 5. On me l’a vendu depuis des années comme la série de science-fiction la plus consistante et la mieux ficelée de tous les temps mais le problème, c’est qu’elle a beaucoup vieilli, aussi bien au niveau de la production que de l’humour censé désamorcer les situations dramatiques. En attendant de lui redonner une nouvelle chance, je peux tout de même mentionner cet épisode, déniché grâce à mes recherches. On y voit une journaliste venue de la Terre se balader dans la station pour interroger le staff, les ambassadeurs aliens et les différents politiciens qui essayent tant bien que mal de maintenir la paix interplanétaire. L’occasion de donner la parole à ceux qui ne sont parfois que les figurants de la série et d’opposer les points de vues des différents aliens. Un résumé efficace et sous un angle nouveau des tensions au cœur de la saison. Comme J. Michael Stracynski est un maître de la continuité, les personnages regarderont les images du documentaire deux saisons plus tard et réaliseront que la journaliste s’en est servi pour de la propagande gouvernementale. C’est rare que l’intrusion du documentaire dans une série ait par la suite un impact sur son déroulement, même au sein de certains mockumentaries où ça devrait pourtant être un enjeu central. Alors bien joué Babylon 5, on se retrouve bientôt !


The Animaniacs – S04E07 Ten Short Films About Wakko Warner (2 novembre 1996)

Vous vous souvenez des Animaniacs ? La série d’animation produite par Steven Spielberg pour FOX Kids et ses 100 épisodes bourrés d’ironie, de violence, de pop-culture et d’expérimentations ? Ici, un documentariste français, M. Pomme de Terre (en VO) nous présente les coulisses de la vie de Wakko, le plus malicieux des frères Warner, celui qui parle comme Ringo. Je viens de revoir des images et ça m’a fait un drôle d’effet flash-back, mon inconscient essayant tous azimuts de connecter le présent au moment où, gamin, j’ai dû voir cet épisode un dimanche soir dans Ça Cartoon sur Canal. Wow…


Homicide: Life On The Streets – S05E11 The Documentary (3 Janvier 1997)

Probablement l’épisode que je trouve le plus réussi dans cette liste et celui avec lequel j’ai la relation la plus forte. C’est grâce à lui que j’ai découvert la série de Tom Fontana et James Yoshimura, adaptée d’un bouquin de David Simon sur la police de Baltimore et diffusée par NBC entre 1993 et 1999 – en tombant par hasard sur « The Documentary » diffusé par Série Club en 2003, si ma mémoire est bonne. Et le hasard a bien fait les choses parce qu’il s’agit toujours de mon épisode favori – le meilleur étant « Three Man and Adena », sur lequel je reviendrais peut-être avec une rétrospective sur les huis-clos (« bottle episode ») à la télévision.

Durant la troisième saison, les scénaristes introduisent Brodie, un mec étrange qui se met à filmer les détectives, ce qui généralement les indiffère ou les agace et, tout comme aujourd’hui dans Brooklyn 99, Andre Braugher est fascinant quand il joue l’indifférence ou l’agacement. Finalement, lors d’une soirée de Nouvel An particulièrement calme, Brodie saisit l’occasion pour montrer à la brigade les rushes de son documentaire. Au départ, l’ambiance est détendue et ça fait du bien de passer du temps avec les personnages en dehors de la gravité des meurtres et des salles d’autopsie. C’est pas tous les jours qu’on a l’occasion de rigoler avec Pembleton (Braugher) et c’est toujours un plaisir de le faire avec Munch (un Richard Belzer qui trimbalera ce rôle dans de nombreuses séries, de Law & Order : SVU à… Arrested Development !). On se retrouve presque devant un clip-show détourné, revisitant des éléments des saisons passées avec un regard neuf. Le visionnage prend un tournant plus dramatique quand les images de Brodie mettent en lumière des éléments d’enquêtes oubliées, dévoilent des secrets et ressassent de mauvais souvenirs.

Visuellement, Homicide s’inspire dès le départ du style documentaire, avec une image sale, des plans virevoltants autour des détectives et des jump-cuts très percutants. Lors des dernières saisons, NBC demandera hélas à la production de se calmer et de rendre la série plus lisse, aussi bien dans la forme que le fond, avec l’introduction de personnages moins intéressants. Malgré tout, et même si vous n’aimez pas les séries policières, je vous conseille Homicide, un must – et par la même occasion, je vous conseille Southland, son héritière.

Urgences – S04E01 Ambush (25 septembre 1997)

Le soir du 25 septembre 1997, que l’on soit américain ou français, on a pu passer la soirée en direct du Cook County Hospital de Chicago. Pour ça, il fallait veiller tard sur France 2, qui avait retransmis l’exploit de ce season premiere en live au beau milieu de la nuit. On doit cette expérimentation à Anthony Edwards et George Clooney, désireux de relever un nouveau défi. S’il ne s’agit pas de la première expérience live de NBC – et pas la dernière comme en atteste la sitcom Undateable dont toute la troisième saison est réalisée ainsi – c’est la première fois qu’Urgences change autant sa forme (ça deviendra une habitude par la suite). Car non seulement l’épisode est en direct, mais en plus c’est un faux documentaire sur le travail des urgentistes, filmé par une équipe de journalistes qui s’incruste dans les couloirs de l’hôpital. C’est à la fois un bon moyen de justifier le direct et les éventuels soucis de réalisation et l’occasion de redécouvrir nos personnages sous un jour nouveau. Mark Greene souffre d’un traumatisme suite à l’agression d’un patient et la caméra capture discrètement ses états d’âmes. C’est également la première apparition d’Alex Kingston dans la peau d’Elizabeth Corday, la chirurgienne qui fait une excellente première impression. Cette sorte de gigantesque pièce de théâtre est très ambitieuse tant il y a de jargon médical à réciter, de couloirs où la caméra doit se balader, de figurants qui doivent bien se placer… Et l’exploit sera reproduit une seconde fois pour la Côte Ouest. Il existe deux versions de l’épisode, deux expériences très réussies.


Dix ans plus tard, lors de son ultime saison, Urgences va réintroduire la forme documentaire avec « What We Do » (S15E18). Là aussi, une journaliste interroge le personnel et, à travers une série de « talking heads », on en apprend plus sur les raisons du retour de Carter, sur le travail dans l’ombre des infirmières et réceptionnistes. C’est moins réussi et spectaculaire mais ça reste une utilisation très honorable du concept.

The Practice – S02E10 Spirit of America (22 novembre 1997)

Décidément, le docu était très à la mode en 1997… Et si David E. Kelley n’est pas connu pour suivre la mode, ça ne l’a pas empêché de placer les avocats de The Practice devant les caméras d’une équipe filmant leur tentative d’innocenter dans le couloir de la mort un homme accusé du meurtre d’une gamine. Ce qui fonctionne le mieux ici, c’est le soin apporté à l’aspect brut de la réalisation, sans commentaires ou musique racoleuse. Plutôt que Faites Entrez l’Accusé, imaginez plutôt l’émission Strip-Tease s’incrustant dans les bureaux de Donnell & Associates.


3rd Rock From The Sun – S05E09 The Loud Solomon Family: A Dickumentary (11 janvier 2000)

Dès que j’aurais terminé les 237 épisodes de Cheers, la prochaine sitcom à laquelle je m’attaque, ce sera forcément 3rd Rock From The Sun. Diffusée par NBC entre 1996 et 2001, elle suit le quotidien d’une famille d’extraterrestres qui essaye maladroitement de se faire passer pour des humains normaux afin d’étudier notre chère planète. Dans le rôle du père, on retrouve le formidable John Lithgow – que vous avez sûrement découvert comme moi dans Dexter – et c’est un tout jeune Joseph Gordon-Levitt qui tient le rôle de son fiston. Dans cet épisode de l’avant-dernière saison, le Dr Albright (Jane Curtin) réalise un documentaire sur la famille Solomon. Ça prend grossièrement la forme d’une émission de télé-réalité, qui commençait à l’époque à être très populaire. Face à la caméra et au monde, chacun se met à dévoiler les secrets des autres dans un enchaînement de quiproquos et de drôlerie que j’ai hâte de découvrir.


X-Files – S07E12 X-Cops (20 février 2000)

Cops est une émission qui, depuis 1989, suit des policiers en patrouille au cœur de l’Amérique profonde, sans narration, en mode cinéma vérité. Un peu comme The Shield mais non scripté. Fan du concept, Vince Gilligan décida de l’appliquer le temps d’un épisode d’X-Files pas forcément vénéré par les fans mais à l’expérimentation mémorable. Au bout de sept saisons, il fallait de toute façon redoubler d’inventivité pour ne pas que le téléspectateur roupillent devant les « monsters of the week ». Tout l’épisode se déroule comme une véritable séquence de Cops – même générique, même réalisation, des actions en temps réel – alors qu’une brigade accompagne Mulder et Scully à la recherche d’un loup-garou. Le tournage fut rapide et économique et le concept permit d’apporter un peu de post-modernisme à l’univers surnaturel de Chris Carter. S’il fut mal reçu à l’époque, « X-Cops » est aujourd’hui bien mieux considéré, restant un bel exemple de l’utilisation d’une nouvelle formule pour rafraîchir une formule vieillissante.


Les Simpson – S11E22 Behind The Laughter (21 Mai 2000)

En parlant de formule vieillissante… Tandis que X-Files s’inspirait de Cops, les Simpson se mirent quelques mois plus tard à parodier Behind the Music. Une émission de la chaîne VH1 proposant des biographies de groupe, une sorte de Plus Vite que la Musique – les vrais sauront. L’animateur Jim Forbes nous raconte cette fois la gloire et la chute des Simpson, de leurs débuts modestes jusqu’à leur statut d’icône de la famille américaine moyenne. Tous les éléments incontournables d’un bon biopic sont au rendez-vous : enregistrement d’un disque, querelles, cérémonie d’award organisé par le chanteur country Willie Nelson… « Behind The Laughter » est souvent mentionné par les fans et par les scénaristes eux-mêmes comme un must. L’épisode remportera plusieurs Emmy Awards.


En 2007, c’est la série documentaire Up qui sera parodiée avec « Springfield Up » (S18E13). Paul Almond y suit l’évolution de jeunes britanniques de 1964 à aujourd’hui, revisitant régulièrement l’évolution de leur vie. Un projet ambitieux qui se retrouve transposé sur divers habitants de Springfield.

Buffy contre les Vampires – S07E16 Storyteller (25 février 2003)

Il y a pas mal de gens qui n’aiment pas la septième et ultime saison de Buffy. Pas mal de gens qui n’aiment pas Andrew. Pas mal de gens qui n’aiment pas « Storyteller », l’épisode où Andrew se met à filmer le Scooby Gang à leur insu. Moi j’ai toujours eu de l’affection pour le personnage et pour cet épisode, écrit par Jane Espenson. La forme documentaire utilisée est celle de la home-made video, un procédé rendu très populaire par Le Projet Blair Witch (1999). L’utiliser dans Buffy à quelques épisodes de la fin, c’est peut-être pas l’idéal mais ça reste un bon moyen d’offrir une petite pause aux personnages, alors que les intrigues s’accélèrent et que le ton se fait de plus en plus sombre. L’occasion de revenir sur la séparation de Xander et Anya, de rigoler à nouveau avec Spike qui avait perdu de sa drôlerie depuis trop longtemps et puis l’occasion tout simplement de mieux comprendre la transition d’Andrew de « méchant » à « gentil ». Le dernier plan est à ce niveau plutôt émouvant. « Storyteller » apporte de la fraîcheur à une saison se prenant parfois trop au sérieux et se recentre sur les états d’âmes et les personnalités de nos chers personnages.


The West Wing – S05E18 Access (31 mars 2004)

Suite au départ d’Aaron Sorkin, renvoyé à cause de ses diverses addictions, NBC nomme John Wells showrunner de The West Wing. Le gars est solide et responsable des meilleurs épisodes d’Urgences alors pas de quoi s’inquiéter. Sauf qu’en vérité, il lui faudra un an avant de trouver son rythme et de se démarquer de son prédécesseur. Avant une sixième saison très excitante, il y a donc eu une cinquième saison plutôt à côté de la plaque et ne rendant pas franchement service à des personnages ramollis. Comme ça avait plutôt bien fonctionné pour Urgences, Wells retente le coup du documentaire en imaginant un faux reportage de PBS suivant une journée dans la vie de C. J. Cregg, l’attachée de presse incarnée par la brillante Allison Janney. Le résultat est discutable : le docu ne nous raconte rien de nouveau sur le personnage et sur l’administration Bartlet, il s’agit juste d’un gimmick ne trouvant jamais sa raison d’être. « Access » reste tout de même un bonne démonstration du talent d’Allison Janney – il lui permet d’être nominée aux Emmy Awards – que l’on retrouve aujourd’hui dans l’excellente sitcom Mom.


Battlestar Galactica – S02E08 Final Cut (9 septembre 2005)

Même procédé qu’avec Babylon 5 : une journaliste, incarnée par Lucy Lawless (Xena) se balade au sein du Galactica pour interroger son personnel au sujet du massacre de civils. Il s’agit en vérité juste d’un prétexte scénaristique pour nous proposer une étude des personnages, en étant débarrassé de la tension et des intrigues habituelles et c’est plutôt réussi. Le personnage de Lawless agit à la fois comme un substitut du téléspectateur – ayant accès à des zones du vaisseau et à des secrets que l’on aimerait nous-mêmes découvrir – et la voix du showrunner Ronald D. Moore, qui avoua par la suite avoir voulu résumer son point de vue sur ses héros avec le monologue final de la journaliste. C’est aussi ce qui faisait la force de Battlestar Galactica : savoir varier sa forme au service de son récit – voire aussi l’excellent « Unfinished Business » (S03E09).


Les Experts – S06E17 I Like To Watch (15 octobre 2006)

Les Experts n’est pas connu pour l’originalité de sa forme puisque c’est un exemple de formula show qui se repose sur ses lauriers. Quand la série utilise le procédé documentaire dans cet épisode, c’est donc rafraîchissant à défaut d’être franchement innovant. La victime de la semaine étant l’objet d’une émission de télé-réalité, les caméras suivent l’enquête de Grissom et compagnie de la manière la plus intrusive possible. On a donc le droit à une satire de ce genre d’émissions et à un commentaire plutôt amusant sur la série elle-même. « There’s too many forensics shows » grommelle Grissom, pointant du doigt le voyeurisme des journalistes, le même voyeurisme qui pousse chaque semaine des milliers de téléspectateurs à se délecter des crimes les plus ignobles devant Les Experts, Esprits criminels et j’en passe. 


Dr House – S04E07 Ugly (13 novembre 2007)

L’année suivante, les scénaristes de House piquent l’idée des Experts pour un épisode un peu plus consistant. Ici, c’est un jeune patient admis au Princeton-Plainsboro Hospital qui est au cœur d’une émission de télé-réalité et les caméras se mettent à filmer l’enquête des médecins à la recherche d’un diagnostic. C’est à l’époque où Dr House constitue sa nouvelle équipe d’internes et c’est donc l’occasion pour lui de tester encore plus outrageusement les candidats. À la fin, il a l’occasion de voir les rushes du docu qui le montre comme un médecin plein de compassion. Un épisode qui exploite donc son concept pour du méta, de l’humour et un « patient of the week » intéressant.


Community – S02E16 Intermediate Documentary Filmmaking (17 février 2011)

Comme on a pu le voir avec mon article sur les clip-shows, Community n’hésitait pas à parodier toute forme de gimmicks télévisuels et, dans le meilleur des cas, le faisait pour nous raconter quelque chose de nouveau et de touchant sur les étudiants de Greendale – dans le pire des cas, c’était juste histoire de. L’overdose de Pierce est l’occasion pour Abed de réaliser un documentaire et pour les scénaristes de s’inspirer des mockumentaries à la mode sur NBC – la série était alors diffusée en compagnie de The Office et Parks and Rec et ça me fait mal au cœur de parler de tout ça au passé. On a donc les incontournables du genre : des « talking heads » révélateurs, des moments volés, une caméra qui saisit les émotions à fleur de peau alors que tout le monde se retrouve dans un guilt trip orchestré par Pierce. Un bel exercice de catharsis et d’étude de personnages, en particulier pour un Jeff dont on découvre les « daddy issues ».


Un an plus tard, Community remet le couvert en rendant cette fois au hommage à l’un des plus célèbres documentaristes américains. « Pillows and Blankets » (S03E14) reprend la forme de The Civil War, la fameuse série de Ken Burns sur la guerre civile américaine. Sauf qu’à la place du conflit entre sudistes et confédérés, on assiste à un combat d’oreillers et de couettes. Une approche très sérieuse d’un sujet qui ne l’est pas, entraînant donc un décalage plutôt réussi et narré par l’excellent Keith David, qui rejoindra par la suite le casting principal.

30 Rock – S05E17 Queen of Jordan (17 mars 2011)

Si Big Brother était à la mode pendant les années 2000, c’est The Real Housewives qui est la sensation télé-réalité au début de cette nouvelle décennie. La série de Tina Fey sautera donc sur l’occasion d’une joyeuse satire en plaçant Angie Jordan, la femme de Tracy, au cœur de cette parodie bien foutue. En plein trip diva, Angie entraîne les caméras de son émission dans les studios de NBC et tout le monde se retrouve entraîné bien malgré lui dans cet entreprise de vanité où même Susan Sarandon est convoquée en guest-star. « Queen Of Jordan » est un épisode très réjouissant au cœur d’une cinquième saison où la série retrouvait enfin de sa superbe. On aura même le droit à une suite l’année suivante avec « Queen Jordan 2 : The Mystery of the Phantom Pooper » (S06E20). Il y a presque de quoi espérer un spin-off et c’est grâce à son rôle de D’Fwan que Tituss Burgess rejoindra la distribution de Kimmy Schmidt, la nouvelle comédie de Tina Fey ayant débuté cette année.


Autres exemples notables : Beavis et Butt-Head S04E29 (1994) / Xena la guerrière S02E15 (1997) / New York 911 S03E90 (2002) / Stargate SGI S07E17-18 (2004) / My Name Is Earl S02E12 (2007) / Supernatural S03E13 (2008) / Monk S07E07 (2008) / South Park S14E07 (2010) / Grey’s Anatomy S07E06 (2010) / Leverage S04E12 (2011) / Castle S05E07 (2012) / BILLY S01E13 (2013) / ZIM S01E05 (2014).

Il va désormais falloir redoubler d’inventivité pour nous offrir une énième variation sur le genre documentaire. À quand un épisode de The Walking Dead où Carl s’empare d’une caméra pour filmer les derniers efforts des survivants ? À quand le Behind the Laughter de Horsin’ Around, la sitcom de Bojack Horseman ? En attendant, Documentary Now! est ce qui se fait de mieux actuellement, autant pour les amoureux du genre que pour ceux qui souhaitent une porte d’entrée ludique vers de vrais documentaires.

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