5.11 The Other Woman

"When deep beauty is encountered, it arouses deep emotions because it creates a desire, because it by nature unobtainable."

Je vais pas y aller par quatre chemins : cet épisode contient deux des scènes les plus bouleversantes de la série et m'a laissé en larmes. Il entre directement dans le classement tête du show et c'est pas rien. Ce ne va pas être facile pour moi le de chroniquer, tellement il s'y passe de choses, tellement d'émotions contradictoires s'emmêlent, tellement il est bouleversant, surprenant et intelligemment bien écrit. Mais je vais essayer.

Lorsque l'épisode commence et que le responsable du comité de Jaguar annonce à Pete et Ken son intention de passer la nuit avec Joan en échange d'un partenariat assurée avec l'agence, on se doute déjà de ce qui va s'ensuivre. Le machisme ambiant, Pete qui après nous avoir bouleversé tout au long de la saison se conduit comme le pire des salauds, le côté chevaleresque extrêmement maladroit de Lane, la lâcheté de Roger, l'indifférence de Cooper et la compassion de Don, le fils d'une prostituée pour toujours, qui refuse de laisser Joan être traitée ainsi et servir d'appat. Et dans n'importe quelle autre série, la même intrigue aurait surtout été un prétexte pour mettre en avant le machisme, la condition de la femme et le vieil adage "l'argent ne fait pas le bonheur". Mad Men va plus loin.

Tout en explorant tout ce que je viens de citer à travers un montage bouleversant, la série utilise notre affection ou connaissance des personnages pour rendre la situation encore plus déroutante et terrible. Je parlais de Pete qui tombe à son plus bas, je parlais de la relation très touchante entre Don et Joan, mais il y a aussi Joan elle-même qui, au vu de sa situation (mère qui vit seul à Manathan en 1967) n'a pas d'autres solutions que d'accepter le marché et, avec "l'aide" de Lane, obtient même une promotion. Durant tout l'épisode, il y a ce sentiment de l'inévitable. On ne veut pas que cela se produise, mais on sait que cela se produira et on ne peut s'empêcher de regarder. Un contrat comme Jaguar, il y en aura d'autres, mais l'intégrité de l'agence et l'amour propre de Joan sont sacrifiés sur l'autel du bénéfice. Parce qu'encore une fois, la série nous parle de personnes qui veulent quelque chose et sont prêt à tout pour l'obtenir. Cette amère victoire n'est donc pas seulement porteur d'un message sur la condition féminine, elle joue avec nos attentes et notre perception des personnages pour raconter une histoire tellement horrible et dégueulasse qu'elle en devient belle. Christina Hendricks, vous pouvez aller chercher votre Emmy, il est à vous. 


L'épisode aurait largement pu se contenter de ça. Mais pour rendre l'intrigue de Joan encore plus saisissante et pour aller encore plus loin, Peggy a elle aussi le droit à un moment décisif. Frustré par un mentor de plus en plus distant, elle décide d'aller voir ailleurs (par l'intérmédiaire de ce bon vieux Freddy, qu'il est toujours bon de revoir) et accepte un marché avec un ancien rival de Don. Malgré cette accord, j'étais alors encore en train de me dire que, non, ce n'est pas possible, Peggy ne peut pas claquer la porte de l'agence. C'est clairement la meilleure voie pour elle mais non, son duo avec Don est trop au coeur de la série, trop important, pour qu'il s'arrête maintenant. Et pourtant, alors que tout le monde célèbre le contrat avec Jaguar en sabrant le champagne, Peggy fait ses adieux à Don. Je ne pense pas avoir besoin de décrire la scène ou de l'analyser pour vous expliquer à quel point c'est bouleversant. Les larmes ont commencés à couler lors de ces longues secondes où le mentor tente de retenir son élève. Et elles ont continués lorsque Peggy traverse le couloir, à la fois terrorisée de l'inconnu et excité par son futur et que Joan lui lance un regard que l'on peut intérprêter de mille façons différentes. Voilà Peggy qui de nouveau transcande sa condtion et s'échappe de l'univers où elle vient de s'enfermer. Où voilà Peggy qui part à la recherche d'un argent qui ne sera jamais satisfaisant alors que désormais, Joan a obtenu de la pire des manières un statut confortable. On peut regarder cette scène sous tous les angles, on en viendra toujours à la même conclusion : c'est l'une des scènes les plus belles, les plus tristes et les plus complexes que Mad Men nous a offert et qu'elle est la seule à pouvoir nous offrir aujourd'hui. 

Que dire d'autre ? On a pu voir comment Don agit avec les trois femmes de sa vie (sans compter Betty) et une nouvelle fois, il se montre incapable de savoir ce que Megan veut vraiment. Quel personnage ! On le déteste lorsqu'il maltraite Peggy mais on pleure avec lui lorsqu'il la supplie de rester. On lui en veut pour ne pas s'imposer plus concernant le sort de Joan mais on le trouve très grand lorsqu'il vient (trop tard) l'empêcher de commettre l'irréparable. On le trouve génial lorsqu'il fait son pitch au meilleur de sa forme mais on ne peut s'empêcher de penser que l'idée appartient à Ginsberg et que, au vu du sacrifice de Joan, il n'a aucune raison de se réjouir ainsi. Et j'ai beau avoir détester Pete au plus profond de mon être, je trouve toujours qu'il est le personnage le plus triste de l'histoire de la télévision et que je serais désolé pour lui dès le prochain épisode. Et j'ai beau avoir trouvé Lane très touchant de maladresse face à Joan, je n'ai pas pu m'empêcher de lui en vouloir d'avoir pensé à cette offre en mettant en avant ses sentiments et d'avoir été aussi lâche. 


Ce qui fait la force de cet épisode, c'est également sa construction, qui laisse le récit prendre une tournure inatendu, qui fait que les événements s'enchaînent et nous foutent de grosses claques, que le récit avance et nous propose d'y voir un tas de choses à la fois. Nous allons vraisemblablement revoir Peggy (il y a intérêt) mais je m'attendais tellement pas à ça. Et j'ai encore besoin de sa relation avec Don. J'ai encore besoin d'épisodes aussi fort que celui-ci ou "The Suitcase". Oh, et Joan... Je retourne écouter les Kinks et tout en séchant mes larmes, je sais qu'un épisode de cet qualité, je ne suis pas prêt de l'oublier.

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