BILLY - S02E04 Miséricorde par billylaserie
Résumé : En pleine errance depuis la dissolution des Régulateurs, Henry continue son chemin de croix et pénètre dans une église à la recherche de réconfort. À Lincoln City, Pat Garrett interroge les Frères Coe, toujours emprisonnés, pour en savoir plus sur la cachette de Billy...
Commentaires : En plus d'être mon histoire, BILLY, c’est une histoire américaine, et je ne pouvais pas parler d’Amérique sans évoquer la religion. Elle est au cœur de la fondation du pays, au cœur des préoccupations de ses habitants. À défaut de pouvoir donner vie à une véritable communauté (le format court et nos moyens n’étant pas l’idéal pour cela), c’est à travers le personnage d’Henry que j’ai abordé la religion.
Me considérant moi-même comme athée, la religion est un sujet qui me fascine, me questionne. Surtout dans la manière dont elle est utilisée pour justifier tout et n’importe quoi. Les croyances d’Henry sont au départ un héritage familial mais sa foi intime et son amour de Dieu sont nés dans la douleur, suite au traumatisme que fut le meurtre de sa famille, sous ses yeux (cf. épisode 1x06). La Bible devient alors son seul repaire, il y trouve tout ce qu’il veut y trouver selon la situation : du courage, de la chaleur, des principes, quelque chose auquel se rattacher. Lorsqu’il tue par nécessité, il n’a plus qu’à prier ou se confesser pour oublier ses pêchés. Lorsqu’il tue pour des raisons plus ambiguës, il le fait au nom de Dieu, comme s’il s’agissait d’une mission Divine, « œil pour œil, dent pour dent ». C’est à travers les personnages de la Bible qu’il s’invente son identité. La religion est la solution à tous ses problèmes et le guide dans une vie instable. Et lorsqu'il se retrouve seul, loin de Billy auquel il servait d'apôtre, Henry se met à la recherche de rédemption pour tous les crimes qu’il a commis et commence à douter de sa foi.
C'est ce qui rend la deuxième saison un tel terrain de jeu pour moi qui a fait tout ça juste pour pouvoir développer des personnages, dresser des portraits. Pouvoir isoler ainsi Henry, l'amener dans une église (qui est certes française mais que je vous invite à imaginer mexicaine ou texane, peu importe, il pourrait tout aussi bien être dans son esprit et rêver de cette église) et faire tourner la caméra autour de lui alors qu'il se recueille. C'est la première étape dans son chemin de croix qui sera un fil rouge important pour le personnage et pour la saison toute entière.
Pour les mêmes raisons, c'est chouette de pouvoir enfin m'attarder sur les Frères Coe. Ils ont été, pendant la première saison, une présence légère et sympathique. Mais on les retrouve isolés, prisonniers et devenus les bêtes de foire du circuit touristique érigé par le Gouverneur Wallace à Lincoln City. Qui les force à recréer tous les soirs sur la scène d'un saloon vide la version tronquée de la véritable légende du Kid. Et même dans ces conditions, ils continuent de garder leur éternel optimisme, fait de simplicité d'esprit et de profonde bonhomie. On sent que c'est dur pour Garrett de pouvoir les regarder dans les yeux, surtout en apprenant que leur exécution approche. Et on sent que malgré toute la fraîcheur qui reste dans le coeur des Frères Coe, la suite ne peut que s'assombrir pour eux...
"Miséricorde", c'est donc pour résumer un épisode dont je suis fier et qui donne enfin un peu plus d'espace à des personnages qui le mérite amplement. Chacun aura son moment de gloire cette saison et il est très possible que le fatalisme ambiant rattrape chacun.
Anecdotes : Ce qui était bien avec cette deuxième saison, c'est qu'en dispersant les personnages sur un tas de lieux différents, on a pu briser complètement toute forme de routine et transformer encore plus chaque journée en aventure. Je me souviens de cette journée que j'avais consacré à Henry où nous étions parti à la recherche de tous les motifs religieux du coin, filmant des calvaires sur le bord de la route et atterrissant dans cette église, à Ste-Gemmes d'Andigné.
C'est un ami d'Aurélien qui nous y a fait entrer et bien que tous plus ou moins athés, nous avons pris soin de respecter les lieux. De parler en silence. De déplacer puis de replacer soigneusement quelques détails. Je sais bien que c'est une église typiquement française mais comme je le disais plus haut, c'est encore une histoire d'imagination et on peut très bien se dire qu'Henry ne se promène pas dans une église mais dans une rêverie, dans une prière mentale. En tout cas, Adrien, son interprète, a vraiment su se laisser emporter par l'esprit du lieu de tournage et a, comme à son habitude, donner tout ce qu'il avait à donner à ce moment précis. Il était Henry et nous étions seulement là pour capturer ce qu'il se passait entre lui et tous ces symboles qui l'entouraient. Aurélien avait une consigne claire de ma part : pas question de simplement filmer, il faut jouer avec la caméra. Et vous allez voir que durant cette deuxième saison, on va beaucoup jouer.
La prison de Lincoln City, quand à elle, était encore un lieu de tournage que l'on a installé sur notre bonne vieille ferme (que l'on aura vraiment exploiter jusqu'au dernier mètre carré). C'était une vieille bâtisse un peu à l'écart, avec un toit qui menaçait constamment de s'écrouler, la nature qui reprenait ses droits en s'inflitrant dans chaque fissures du mur et des bestioles qui grouillaient sur la poussière (j'avais passé trois heures à passer le balai et à déblayer les débris et mon dos s'en souvient encore). Un espace étroit où l'on tournait vraiment en ayant l'impression d'être enfermé, hors du temps.
Comme les comédiens avaient pour consigne de changer si possible de look pour la deuxième saison, Louis et Quentin (les Frères Coe) ont détachés leurs cheveux et ont pris soin d'avoir l'air plus misérable. Tellement que Quentin a surpris tout le monde en s'enlevant une dent (qui était, je vous rassure, déjà enlevable) ! BILLY, c'est aussi des comédiens qui se donnent à fond, vous voyez...
Musique : Je préfère vous prévenir : il y aura beaucoup de Dylan dans la deuxième saison. J'avais essayé de pas abuser de mon obsession avant, mais là, c'est plus fort que moi. Il faut dire que l'épisode a été écrit avec ce morceau en tête. Il s'agit de "Sign of the Cross", une rareté que l'on peut retrouver sur certains bootlegs réunissant les "Basement Tapes", une série d'enregistrement datant de 1967 que Bob a enregistré dans sa cave de Woodstock avec le Band. Après une tournée et un accident de moto qui a failli lui coûter la vie, il s'adonnait alors aux choses simples, à sa famille, à la nature et avait trouvé une sorte de foi, sans pouvoir vraiment mettre des mots dessus. Une spiritualité qui lui a sauvé la vie et qui donnera un album aussi marqué par la religion que "John Wesley Harding", une décennie avant sa véritable période born again chrétien/gospel. Et ce gospel là qui n'en est pas vraiment un, il me fait pleurer à chaque écoute. Puisse-t-il vous émouvoir.
La semaine prochaine : Un huis-clos avec de l'amour et du chili con carne, mais sans Jean-Paul Sartre.
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