"When you got nothing, you got nothing to loose" (Bob Dylan, "Like A Rolling Stone")
Après une saison baignant dans le chaos, voilà l'heure de la libération. Tous les ans, quand on arrive au season finale, je me demande jusqu'où Don va-t-il pouvoir descendre. Et cette année, il se retrouve au plus bas. Dans une version inversée de la scène inaugurale du pilote, on le voit accoudé au bar, avec la même musique mais avec une mine déconfite et prêt à passer une nuit en prison après avoir frappé un prêtre. D'habitude, c'est le moment pour Don de trouver une nouvelle illusion de changement : la fuite en avant, une nouvelle conquête, un nouvel objectif professionnel... Là, après avoir contemplé de nouveau toutes ces options (partir en Californie, quitter Megan, repartir de zéro avec une petite agence), il choisit la vérité. Et le voilà enfin libéré.
Dégageant une forte impression de series finale, "In Care Of" nous dévoile peu à peu le chemin de Don vers la rédemption. Dans une autre scène inspirée de la première saison, il délivre un speech plein de nostalgie à de nouveaux clients mais finit cette fois par se laisser emporter par son propre discours car il ne relève plus du domaine de la vente ou du mensonge mais de la vérité. Jon Hamm interprète ça avec tout le talent qu'on lui connaît déjà et nous fait presque pardonner à Don toutes ces errances. Et ce moment clé de sincérité l'incite à poursuivre cette quête de renouveau, qui lui permet de libérer Ted et de renouer avec sa fille, l'espace d'un regard très touchant. Sans travail (la scène de renvoi est encore plus pathétique que celle de Freddy Rumsen et la rencontre avec Duck bien cruelle), sans femme (même si je soupçonne Megan de ne pas vraiment partir) et sans but précis, Don est au bout du rouleau mais il est libre. Seulement, "In Care Of" n'est pas un series finale et il se pourrait très certainement que tout cela ne soit qu'à nouveau une illusion de changement et que la septième saison s'ouvre sur un status quo, une nouvelle spirale infernale vers la mort. Il faudra hélas attendre un an pour le savoir mais en attendant, me voilà réconcilié avec Don Draper, prêt à croire en lui de nouveau.
C'est amusant en tout cas de voir que ce client californien est l'occasion pour les hommes du bureau de s'échapper. Qu'il s'agisse de Stan ou bien de Ted, c'est une porte de secours. Ce dernier remportera sa place sur la barque de sauvetage et quitte l'agence avec le regard triste alors qu'il était venu avec l'oeil pétillant. C'est difficile de voir un personnage que je respecte autant s'effondrer autant et difficile aussi de savoir s'il faut admirer Ted pour avoir su préserver sa famille ou le détester pour ce qu'il a fait à Peggy. La série est suffisamment complexe pour ne pas nous demander de choisir. Tout ce qu'on sait, c'est que Ted peut choisir, contrairement à Peggy, restant toujours le dommage collatéral des hommes qui l'entourent, même au bout de six saisons. La voilà pourtant qui se retrouve à la place du mentor mais cette victoire est bien amère. J'ai hâte en tout cas de voir comment la secrétaire devenue directrice du département créatif va s'en sortir l'an prochain.
J'étais un peu triste de voir Pete partir pour Detroit et je le suis de nouveau de le voir partir pour la Californie (je croyais qu'il n'y avait qu'une seule place là-bas ?). Mais tout comme Don, voilà un orphelin qui se retrouve libre de repartir de zéro et au vu de son évolution cette saison, il mérite ce changement. Même si, tout comme Trudy dans cette tranquille scène familiale, on pourrait presque regretter de le voir s'éloigner. Je suis certain qu'on aura l'occasion de le retrouver en tout cas, tout comme Ted. En tout cas, je l'espère. Et même si James Wolk a signé pour un pilote sur CBS, je ne deséspère pas non plus de revoir cet enfoiré de Bob Benson. Car oui, ça y est c'est décidé, Bob Benson est un enfoiré. Si j'ai compris son petit jeu avec Pete, je ne comprends toujours pas à quoi il joue avec Joan (et pourquoi celle-ci n'a pas eu plus de temps d'antenne cette année). Mais j'ai hâte d'en savoir plus même s'il ne fait que quelques apparitions l'an prochain.
Voilà donc une conclusion très satisfaisante à une saison bordélique. Bordélique dans le bon sens du terme et lié à cette année 1968 riche en révolutions éphémères et en violences. Je garde de cette saison un tas d'images fortes, de moments bouleversants (je n'ai pas eu l'occasion de le mentionner mais ce coup de téléphone avec Betty était très beau), de symbolisme qui reste en tête (même si, encore une fois, je me serais passé des flashbacks) et de drôleries qui me font encore sourire rien que d'y repenser. Et comme d'habitude, je garde beaucoup de choses de Mad Men car c'est la série auquel je repense le plus après l'avoir visionné. Alors désolé Matthew Weiner, je sais que tu n'aimes pas ça, mais j'aurais beaucoup interprété et je me serais beaucoup approprié ton oeuvre cette année mais ne m'en veux pas, c'est plus fort que moi.
Vivement le printemps prochain et la fin d'une décennie.
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