C'était étrange... Et l'étrange a sa place dans Mad Men. Vous connaissez sans doute la tradition de l'épisode "bizarre" annuel, instauré avec "Red in The Face" et qui s'est poursuivi avec un pied coupé par une tondeuse, un huis-clos inoubliable, un trip au LSD sur fond de Beach Boys ou un trip collectif l'an dernier. Des épisodes où la structure est modifiée, où des choses mystiques se déroulent sous nos yeux et toujours, à mon sens, des épisodes réussis. Avec "The Runaways", on retrouve ce sentiment grâce à un téton coupé, un threesome tristounet, des intrigues qui partent dans tous les sens, le retour d'un personnage d'une autre époque et un découpage des intrigues un peu aléatoires. Et pour être franc, ça ne m'a pas enthousiasmé.
Il y a des choses qui fonctionnent sur le papier mais ne me sont pas parvenus, me laissant la plupart du temps assez confus. Et d'autres qui ne devraient pas marcher et ont su me captiver. Mais il y a ce sentiment général de quelque chose trop foutraque pour avoir sa place au beau milieu d'une ultime saison raccourcie. Il y a un sentiment de potentiel pas toujours bien exploité. Je ne peux pas lire dans l'esprit de Weiner et savoir si c'est intentionnel, s'il me demande d'être patient ou s'il se fout de ma gueule. Peut-être que je suis passé à côté de quelque chose. Le fait est que c'est un épisode de Mad Men qui ne m'a pas entièrement convaincu. Et ça, c'était pas arrivé depuis... disons depuis longtemps.
Commençons par ce qui m'a le plus captivé. Et qui était pourtant le plus franchement bizarre car il s'agissait d'une intrigue autour de l'état de santé mental de Michael Ginsberg. Depuis que l'ordinateur règne au centre de l'agence, rien ne va plus pour lui qui n'était déjà pas franchement le plus paisible du groupe. Si c'est clairement la partie la plus WTF de l'épisode (la scène du téton restera gravé dans mon esprit aussi longtemps que dans celui de Peggy je pense), c'est pourtant celle à laquelle j'étais le plus sensible : d'abord grâce à Ben Feldman, que je serais heureux de retrouver sur mon écran dès la saison prochaine (dans une comédie romantique sur NBC certes, mais c'est toujours ça). Ensuite grâce à une vraie tristesse qui se dégage de cette chute dans la folie. Il y a de la poésie dans les égarements de Ginsberg, il y en a toujours eu, un mélange de drôlerie et de poésie (un peu comme avec son homonyme poète). Et quand il quitte l'agence (et la série ?) sur le brancard pour aller droit vers l'asile, j'étais profondément ému. Je suis sorti de la confusion des scènes précédentes (celle dans l'appartement de Peggy était bien barré elle aussi) pour revenir à la réalité de la situation et comprendre que l'on vient de perdre ce pauvre Ginsberg. Pas fait pour la réalité justement, pas plus que ne l'était Lane, à qui j'ai pensé immédiatement. Alors même si j'aurais aimé voir l'évolution de Ginsberg être développé plus en finesse et plus longuement (car ça tombait tout de même comme un cheveu sur la soupe), ça restait la partie la plus sincèrement tordue et la plus étrangement belle de l'épisode. Adieu Michael "Van Gogh" Ginsberg ? Si c'est le cas, adieu à un personnage secondaire que j'ai toujours beaucoup apprécié et que j'aurais même aimé voir être autre chose qu'un ressort comique depuis la saison dernière. Le revoilà en tout cas redevenu tragique.
Les manigances autour de Phillip Morris m'ont également captivés et on peut remercier Harry Crane (oui, ça arrive parfois) pour nous avoir offert un retournement de situation alors qu'on ne s'y attendait vraiment pas (même si on sait que Cutler est le roi de la manipulation et que Lou est la pire personne au monde). Mais tout cela arrive en fin d'épisode et il faut d'abord subir un long séjour en Californie qui n'apporte pas grand chose aux personnages. J'étais d'abord heureux de revoir Stephanie, l'une des dernières héritières de l'époque Dick Whitman. J'étais ensuite surpris de voir que, malgré les événements récents, Megan acceptait toujours Don dans sa vie et allait (par jalousie) jusqu'à lui proposer un threesome. Car elle sait ce qu'il aime. Et elle préfère lui servir son amie sur un lit que de le laisser partir avec sa jolie "nièce". Je dis ça mais honnêtement, je commence à avoir du mal à saisir les motivations de Megan et l'intérêt de la garder dans le coin alors que la rupture avait donné lieu à de très belles scènes. Je comprends que Weiner ne voit pas la vie comme une ligne droite et je n'ai pas envie que le parcours des personnages soit trop linéaires mais lors d'une ultime saison, ce genre d'aller-retour ou de surplace est plus frustrant que d'habitude.
Et puis il y a Betty dans des vignettes un peu décousues qui ont surtout servis à nous montrer qu'elle est de plus en plus malheureuse auprès d'Henry et qu'elle est toujours une mère affreuse ("i will break your arm", wow). Ce qui était bien mieux développé lors du séjour à la ferme avec Bobby. Peut-être qu'elle va suivre l'exemple de son amie Francine et reprendre sa vie en main comme une grande. Peut-être qu'elle est en pleine prise de conscience sur sa condition. Ce qui m'a surtout intéressé ici, c'est la rebellion de Sally (même si là aussi, on a connu plus subtil) et sa discussion avec son frangin.
En fin d'épisode, après avoir passé le début de saison à voir Don tout perdre puis remonter la pente en apprenant peu à peu l'humilité, on retourne à une sorte de status-quo où il fout en l'air les conseils de Freddie pour jouer au malin avec ses supérieurs et retrouver une sorte de swag un peu ridicule en sifflant un taxi l'air sûr de lui. Ou alors c'est l'inverse et on a là un homme très vulnérable qui essaye de se donner une contenance et de survivre comme il peut. Un requin qui est obligé de nager. Je ne sais plus trop et ça, c'est pas important. Par contre, ce qui m'embête, c'est que ça n'a pas franchement excité. Qu'il ne reste que deux épisodes cette année. Que j'ai perdu Ginsberg. Que Pete, Joan et même Ted me manquent. Et que j'adore cette belle série sur le temps qui passe mais le temps passe.
Quelqu'un a trouvé des significations plus intéressantes à ce qu'il a vu ici ? Quelqu'un a mieux cerné que moi ce qui concernait Megan ou trouvé plus d'intérêt à revoir une Betty malheureuse ? Je vous écoute car il se peut que je sois complètement à côté de la plaque ou que j'attache trop d'importances à des détails. J'ai tendance à faire ça avec Mad Men, surtout avec les épisodes étranges. Matthew, tu peux m'en vouloir mais tu n'aurais pas dû m'habituer à m'en servir des plus envoûtants, des plus solides. Je ne te demande ni un bordel organisé ni un joyeux ou un joli bordel. Juste un bordel qui me rende dingue ou qui me laisse sur un nuage. Celui-ci m'a laissé trop souvent indifférent.
Sinon, la barbe de Stan reste la chose la plus géniale de la série.
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