1.10 Endless Slumper

Décidément, avec la rétrospective ER et mon visionnage de Cheers, c'est un peu l'été des classiques sur le blog. Je n'ai pas pour intention (il faudrait beaucoup de temps et d'ambition, je n'ai ni l'un ni l'autre) de chroniquer chaque épisode de la fameuse sitcom mais je vous proposerais probablement des bilans de saisons ou des impressions quand je viens de finir un épisode particulièrement réussi. 


C'est le cas de celui-ci, "Endless Slumper", diffusé le 2 décembre 1982 sur NBC, qui est à mes yeux le plus intéressant pour l'instant. Mais pas la première fois que la formule fonctionne : depuis son pilote très efficace, la série a vraiment su planter le décor (il est unique certes mais exploité à fond) et définir ses personnages (qui se retrouvent chacun à leur tour sur le devant de la scène). De plus en plus à l'aise, le casting est impeccable et le rythme de croisière est déjà trouvé alors qu'on arrive à la moitié de saison (ça pouvait arriver dans une sitcom de NBC dans les années 80 même si c'est aujourd'hui devenu infaisable). Cet épisode est un Sam-centric et raconte comment le barman prête sa capsule porte-bonheur à un joueur des Red Sox qui traverse une mauvaise passe. Très vite, Diane découvre que la capsule en question n'est pas un vestige de l'époque où Sam était lui-même sportif de haut niveau mais bien un symbole de son alcoolisme et de la dernière bière qu'il a ingurgité avant la sobriété. Sans sa capsule, il risque très vite de replonger...

Au vu de ce résumé maladroit que je viens de vous faire, on peut s'attendre à quelque chose de très sombre pour une comédie. Mais c'est sans compter sur la capacité des scénaristes (ici, c'est Sam Simon qui est crédité, ancien de Taxi et future recrue des Simpsons) à mêler les moments relevant de la farce à des moments très émouvants. Car au départ, on s'amuse beaucoup de la malchance qui frappe Sam car, comme Diane, on ne connaît pas l'origine de ce porte-bonheur. Bien dosés, les touches d'humour de Coach ou de Norm viennent ajouter au comique de la situation et Ted Danson nous montre ses talents de comique physique pour bien accompagner sa poisse. L'épisode avait de toute façon commencé sur un fou rire à cause d'un malentendu entraînant Diane par erreur dans les bras du joueur mal intentionné des Red Sox. L'avantage d'un bar où tout le monde est spectateur de l'action, c'est qu'on rit toujours avec et des personnages. Ce qui rend l'ambiance d'autant plus accueillante et affermit les liens qui unissent ceux qui semblent rire ensemble tous les jours, là où tout le monde connaît leur nom. 


Ce qui rend d'autant plus efficace les moments où les rires laissent transparaître les failles des personnages, plus seulement sous un jour comique, mais avec une vraie sensibilité. Cette scène où Diane, impuissant, observe Sam en train de se vider une bière et manquer de la boire, avant de la faire glisser vers elle avec son agilité retrouvée, c'est une scène parfaite. Elle exploite tout : l'amitié naissante entre les deux personnages, le passé de chacun d'entre eux (elle a étudié la psychologie et lui a un passé d'alcoolique), le silence d'un bar qui vient de fermer et du public qui retient son souffle avant d'exploser de rire par soulagement et deux acteurs qui entretiennent la tension à chaque seconde. Et la scène est complexe car elle laisse pas mal de questions en suspens : est-ce que, sans la présence de Diane, Sam aurait-il choisi de se remettre à boire ? Est-ce qu'il est surpris de voir qu'elle montre autant d'attention envers lui et que c'est pour elle, et l'espoir d'une belle relation, qu'il décide de faire marche arrière ? Est-ce que c'est justement pour attirer son attention qu'il se donne ainsi en spectacle ? 

J'avais rarement vu la télévision abordé le thème de l'alcoolisme avec autant de simplicité et de force. Rien n'est surligné, tout se joue dans les quelques secondes de cette scène tendue qui nous rappelle pourquoi la sitcom face à un public propose des émotions qu'on ne retrouve pas ailleurs. Cheers est un modèle d'équilibre qui sait bien distribuer les cartes à son casting et, surtout, qui ne tire jamais (enfin pour l'instant) sur la corde, ni de la farce, ni du drame. Et au final, "Endless Slumper" est aussi minimaliste qu'ambitieux. À l'image de sa dernière scène (que je n'ai pas pu, hélas, retrouver sur Youtube), c'est une grande (petite) victoire.

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