5.03 Tea Leaves


On nous a prévenu de son arrivée depuis longtemps, il a été sous-jacent pendant quatre saisons, mais nous voilà en 1966 et le voilà pour de vrai, le changement, qu'on le veuille ou non. Qu'il soit propre aux personnages ou propre à la société dans laquelle ils évoluent, peu importe. Car tout est lié maintenant. 

Et le changement, c'est du côté de Betty qu'il est le plus flagrant, c'est peu de le dire. Qui se serait attendu à cette métamorphose ? Une fois passé l'aspect un peu risible du fat-suit de January Jones, cette surprise est plutôt logique et facile à expliquer. D'ailleurs, l'épisode n'y va pas par quatre chemins pour justifier son choix : oui, Betty s'ennuie, elle est malheureuse, frustrée, enfantine. C'est une princesse enfermée dans une tour d'argent, comme nous le rappelle le grand manoir d'Henry. Alors certes, tout cela manque un peu de subtilité, mais c'est intéressant de voir que la série continue d'explorer la part d'ombre de Betty, qui nous a été présenté comme une épouse victime et une mauvaise mère et qui est désormais une personne vulnérable et triste, enfermé dans ses rêves (que l'épisode n'hésite pas à nous montrer, dans une scène que l'on croirait tirée de Six Feet Under). Il y a comme une déception chez Betty lorsqu'elle découvre que sa tumeur n'était qu'une fausse alerte. Parce que le cancer était la chose la plus romantique et neuve que la vie pouvait lui offrir et qu'elle est désormais renvoyé à sa médiocrité, sans avoir aucun moyen d'être à nouveau le centre d'attention de Don ou le sujet d'inquiétude de ses enfants. Si Henry continue d'être le mari parfait, la mère de celui-ci n'hésite pas à enfoncer le couteau dans la plaie et on laisse Betty plus seule et isolée que jamais. Certains diront qu'elle le mérite. Moi, je suis presque touchée par cette fragilité, malgré les artifices un peu lourds (c'est le cas de le dire) que la série emploie pour nous illustrer sa chute. 

Ce qui m'a le plus surpris en fait, c'est de voir que sa relation avec Don est plus affectueuse que je ne l'aurais imaginé. On comprend bien pourquoi elle regrette son ancienne vie, mais on est étonné de voir Don aussi inquiet et concernée au sujet de son ex-femme. Mais après réfléxion, on se dit que, là aussi, c'est logique. Betty a été et restera la femme de sa vie. Leur relation est presque co-dépendante et Don a besoin d'avoir un rôle à jouer dans la vie de sa partenaire. Comme on l'a vu dans le season premiere avec Megan ou l'an dernier avec Faye, il n'est pas forcément à l'aise avec une femme indépendante. Il a besoin d'être protecteur et le côte immatûre de Betty est le prétexte parfait pour retrouver ce rôle dans lequel il se sent confortable. Celui de l'homme qui avec sa voix réconfortante que tout ira bien. Celui du mâle dominant. Celui qui ne peut s'empêcher de s'inquiéter pour ces jeunes femmes qui risquent leur santé en trâinant trop près des Rolling Stones. Il y a ce côté paternel chez Don, très viril finalement, qu'il ne semble pas prêt de vouloir délaisser, malgré les changements environnants et malgré les beaux yeux de Megan (oui, on a compris, Betty est grosse, Megan ne l'est absolument pas). Et Betty était bien plus adéquate à ses côtés dans un rendez-vous comme celui avec Heinz que Megan, trop difficile à contrôler, appartenant définitivement à une autre génération. Pour la suite, c'est le point de vue de Sally que j'attends de découvrir, sa position vis-à-vis de sa mère et de Megan en particulier. 


Retour à Sterling Cooper Draper Pryce, où le changement est là aussi, plutôt évident. Il est parfois forcé (Dawn, la nouvelle réceptionniste) parfois désiré (c'est désormais bien vu d'avoir un juif à ses services, d'après Roger). On nous présente donc Michael (Ben Feldman, fringuant), qui a besoin de seulement quelques scènes pour imposer sa fraîcheur et sa sympathie, en faisant un personnage déjà très attachant. Il a un potentiel suffisant pour coller avec le nouveau départ de la compagnie alors que Mohawk Airlines est de retour et que le renouveau est de mise. Même Roger a l'air enthousiaste à son sujet. Celle qui s'inquiète le plus, c'est Peggy. Celle qui incarnait la fraîcheur et le changement pas plus tard qu'hier. Mais qui réalise aujourd'hui qu'elle a le cul coincé entre deux générations et évolue constamment entre son désir de nouveauté et son enracinement dans la société de ses supérieurs. Elle croit pouvoir prédire les réactions de Don, mais c'est elle qui est dépassé. Pas par jalousie ou rivalité, juste car elle se laisse elle aussi rattraper par la réalité, trop concentré sur son travail et ses acquis. Je sens que ça va être une grande saison pour Peggy (c'est un peu le cas tous les ans à vrai dire) et son duo avec Michael m'enthousiasme déjà. 

C'est marrant, je disais la semaine dernière que la place de Roger dans la série était de moins en moins justifiée. Et c'est justement la question que se pose le personnage dans cet épisode alors qu'il réalise que son influence est de plus en plus limité face à un Pete dont l'arrogance n'a d'égale que la taille de son nouveau bureau. Voilà comment je l'aime mon Sterling, vulnérable et isolé. Son intrigue de l'an dernier semble donc pouvoir se poursuivre et le status quo le concernant n'était qu'un leurre. Son duo avec Peggy est rafraîchissant et rien que pour ça, je pardonne les scénaristes d'avoir mis Joan sur la touche. Va-t-il épouser le changement pour survivre ou continuer de l'observer en s'enivrant jusqu'à la mort ? Si la série s'attarde sur ce genre de questions, alors Roger a toute sa place dans cette nouvelle saison. 


Pas grand chose à dire sur la réalisation assurée par Jon Hamm. Les parallèles assez grossiers sont plus à blâmer au scénario qu'à ses choix artistiques et il s'en sort plutôt bien, tout en sobriété. J'ai presque cru un moment que les Stones allaient vraiment débarquer à l'aide d'imitateurs minables mais on nous a épargné ça. Pour les curieux, j'ai d'ailleurs vérifié, ils ont bien joué à Forest Hills le 3 juillet 1966. Sinon, j'aime bien le fait qu'Harry soit la caution comique de la saison, ses scènes avec Don sont un régal. Pour la chanson du générique de fin, j'aurais trouvé "Out of Time" ou "I Am Waiting" des Stones assez appropriés. Mais je chipote. 

Ce n'était pas l'épisode le plus subtil de la série (j'aurais pu me passer de la dernière scène) mais le changement arrive avec de gros sabots. Et si les personnages ne sont pas tous prêt à l'affronter, la série s'y adapte et évolue.

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