2.09 Blackwater

ATTENTION : Mes chroniques vont contenir des SPOILERS concernant la première saison et la suite de l'intrigue. J'ai fini la lecture de "A Clash of Kings" alors je m'adresse en particulier à ceux qui en sont au même point voir plus. Cela dit, je vais faire gaffe dans la mesure du possible. Et je vous conseille d'en faire autant dans les commentaires. Ne m'obligez pas à vous amener de force place de Baelor. Merci.


La bataille de la Néra est l'apothéose du second roman. Et pourtant, je me souviens que la description des combats sur papier ne m'avait pas excité plus que de raison. Peut-être que de l'avoir lu d'une traite alors que j'étais fatigué, peut-être que d'avoir du mal à imaginer les effets du feu gregois et à visualiser les éléments clés de l'affrontement m'ont empêchés alors d'apprécier ce passage tant attendu à sa juste valeur. Du coup, j'étais foutrement impatient de voir le rendu à l'écran. HBO allait-elle exploser son budge et être à la hauteur ? La bataille allait-elle être plus claire et épique ? L'acier et le sang allaient-ils laisser transpirer l'émotion ? Comment retranscrire sur une série du câble une scène de cette ampleur. Peter Jackson avait réussi à transposer avec talent deux grands affrontements et rendu encore plus vibrante le Gouffre de Helm ou le siège de Minas Tirith. Avec George R.R. Martin à l'écriture du scénario, qu'allait-il être de ce "Blackwater" ? Allait-il nous faire oublier tout les petits défauts de la saison, allait-il devoir faire des compromis terribles ? Et j'imagine que pour ceux qui n'ont pas lu le livre, cette attente devait être encore plus angoissante. Allez, trève de suspense. C'était le meilleur épisode de la série. 

Commençons par ce qui inquiétait la majorité : le budget. Et bien HBO est pas radin, putain. Rien de plus difficile que de filmer une bataille entre différentes troupes qui se passe sur terre, sur eau et surtout, dans la nuit. Alors quand en plus, la magie est de la partie, faut se lever de bonne heure pour réussir son coup. En partenariat avec le porte-monnaie de la chaîne et des producteurs, Game of Thrones a relevé le défi sans efforts. Sans qu'à aucun moment n'apparaissent les fissures, les effets spéciaux maladroits ou les astuces lâches. La bataille nous est montré avec des couilles, c'est peu de le dire. De l'explosion de la flotte de Stannis aux affrontements au pied du mur de Port-Réal en passant par le sursaut deséspéré de Tyrion, tout est impeccablement filmé et on a la bouche pendue et les yeux rivés sur l'écran durant tout l'épisode, sans jamais se demander ce qu'il se passe. Tout est limpide, brut et percutant (même si je parle encore une fois en ayant lu le bouquin, ne sachant pas si cette clarté est la même pour les "novices"). Mon moment préféré de la baston ? Difficile de choisir entre la flèche enflammée de Bronn, le feu d'artifice de la flotte, la tenacité de Stannis sur les remparts, le malaise du Limier face aux flammes ou la bravoure de Tyrion, sauvé par son valet (d'ailleurs, les "novices" sont peut-être en train de se demander s'il a survécu, non ?). En un mot : époustouflant. Rien que pour ça, ça valait le coup de détruire les décors de Rome et de Deadwood. Euh... je sais pas en fait. Il me faudra du recul pour oser ce genre de réflexion...


Mais l'épisode ne peut se réduire à une démonstration impeccable de scènes d'action et de moments épiques. Derrière les lames et les armures, il y a des personnages et deux camps qu'on a appris à aimer tout au long des épisodes précédents. "Blackwater" leur rend-il justice ou se contente de les oublier au profit d'une bataille incroyable ? Et bien là aussi, rien à redire. 

Quand l'épisode commence, nous avons le droit à un aperçu du calme avant la tempête, avec de quoi satisfaire les amoureux du duo Tyrion/Bronn, de quoi remettre le Limier sur le devant de la scène, de quoi rendre Varys encore plus envoutant, de quoi nous rappeler les relations entre chacun des protagonistes et les enjeux d'un tel combat, en cas de victoire ou cas de défaite. On nous rappelle qu'au-delà du jeu de pouvoir et de force, la série se repose sur des personnages très humains, qui ont peur de mourir, qui disent adieu à leurs amis et à leurs amantes, qui s'inquiètent pour leurs enfants et qui, comme l'a montré chaque guerre à travers l'histoire réelle ou littéraire, sont capable du pire (la lacheté de Joffrey) comme du meilleur (la bravoure de Tyrion). Et parfois des deux en même temps (la cruauté d'une Cerceï ivre mêlé à son sincère amour pour ses fils ou la faiblesse de Clegane mêlé à sa compassion pour Sansa). Chaque protagoniste a son moment de gloire et l'épisode prend même le temps de nous présenter de nouvelles têtes, comme Pod, l'écuyer valeureux et de convoquer des revenants comme la Justice du Roi ou ce bon vieux mestre Pycelle. C'est vraiment écrit avec intelligence, cohérence et avec un vrai sens de la poésie. Le chant des femmes, celui des guerriers et surtout, le conte de Cerceï mêlé aux images d'une bataille qui se renverse, et qui reste pour moi la plus belle image que nous a offerte la série. 

Les autres intrigues ne viennent pas parasiter ce tour de force et mon seul reproche est la manière dont Davos est rapidement oublié, sans que l'on en sache plus sur son sort. J'espère que le season finale nous laissera entrevoir ce qu'il est advenu de lui et éclaircira pour les "novices" le rôle qu'ont joué les Tyrell et leur alliance avec Tywin dans le dénouement du combat. C'était en tout cas très malin de la part des scénaristes (et donc de M. Martin en personne) de placer Tommen sur le Trône de Fer. Et pour la première fois, j'ai remarqué la bande originale. La pauvreté de la bande son m'a toujours dérangé et j'ai toujours dit que ce genre de fresque épique mérite une musique à la hauteur. Ici, la série a exaucé mes voeux et la musique a su magnifier d'autant plus la violence et la beauté de l'épisode. 


Mes amis, nous vivons en ce moment une belle période pour la télévision américaine. Nous manquons certainement de recul pour l'affirmer, mais j'ai vraiment l'impression d'être témoin d'une période dorée, d'un printemps magique, où l'on peut s'émouvoir plus que jamais devant Mad Men, s'émerveiller comme un enfant devant Game of Thrones, rire à en mourir devant Girls et Veep. Je repense également aux récents exploits de Justified et de Community sur lesquelles je tâcherais d'écrire à l'occasion. Chaque semaine nous réserve son lot d'épisodes plus merveilleux et mémorables les uns que les autres, la créativité est débordante et j'ai l'impression qu'un best of de la saison serait vain tellement je n'ai pas été aussi enthousiaste et heureux devant mon écran, depuis bien longtemps. Et ce n'est pas fini car l'été arrive avec Breaking Bad, Louie et que toute ces merveilles ont été renouvellés pour la saison prochaine. Et que je vais pouvoir vous offrir Billy. 

Game of Thrones vient en tout cas d'ajouter une incroyable pièce à cette incroyable cru télévisuelle qu'est le printemps 2012. Et du coup, je lui pardonne (presque) tout. 

P.S. : Une chronique dédicacé à Julie, une amie qui vient d'atterir à Westeros et dont la passion et l'enthousiasme méritaient d'être cités dans ces pages.

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