Bilan Saison 1

Cette semaine, je laisse le créneau du dimanche à Gibet, invité de luxe. Lecteur et commentateur fidèle du blog, il est l'une de mes rencontres Internet les plus chouettes. Un ami virtuel qui sera l'un des acteurs majeurs de BILLY, et qui a gagné un pass éternel sur ces pages et dans mon entourage. Aujourd'hui, il vous parle de Sherlock à ma place, parce que moi j'ai toujours pas vu Sherlock. S'il est parvenu à me convaincre ? Mystère. 


Ici Gibet, Docteur ès Squattage et Intrusion à l'Université de la Sorbonne, où je n'ai pas été pris mais suis quand même allé, ce qui m'a valu d'être immédiatement diplômé.

Une fois de plus, Dylanesque a tort. Vous qui lisez régulièrement son blog, vous remarquez au quotidien ses erreurs : il n'a pas vu le potentiel de New Girl dès le début, il a arrêté Raising Hope au milieu de la saison 1, il a cru que How I Met Your Mother avait des trucs à raconter... Bref, il faudrait une greffe de doigts pour toutes les compter.

Je vais donc me poser d'emblée comme sauveur des séries qu'Il omet et vous parler de Sherlock - Il n'a même pas pris la peine de regarder car, je commence à le croire, Il est raciste des européens.

Sherlock est créé en 2010 par Steven Moffat, qu'on ne présente plus, et Mark Gattis, scénariste et acteur moins remarqué qui a déjà collaboré avec Moffat sur Doctor Who et Jekyll ; leur intention principale est de revitaliser ce vieil héros de littérature qu'est Sherlock Holmes en transposant ses aventures, qui se déroulent normalement fin XIXème, à l'époque d'Internet, des écrans tactiles et du papier toilette, car le duo considère – et cela les honore – que ce qui compte c'est l'esprit et pas le décor.

Personnellement, je trouve les personnages types Sherlock Holmes absolument charismatiques et du même coup complètement fascinants. Par exemple, je dois être le seul mec à suivre House, autre variation autour de l'extravagant génie, depuis huit ans et même si la saison 7 plongeait au plus bas de la nullité, je suis revenu cette année pour voir comment les mecs allaient conclure le personnage éponyme. J'étais donc tout impatient de me plonger dans ce Sherlock 2.0 concocté par nos amis les angloches.


L'épisode pilote (A Study in Pink) est génial :

- Le travail d'adaptation est remarquable, tant dans ses respects que dans ses trahisons, toujours accomplies avec conscience et malice ; on sent que les scénaristes ont le souci de satisfaire à la fois les puristes et les bleus et ça fonctionne très bien : l'épisode peut être suivi par n'importe qui, mais en même temps ménage pas mal de surprises pour ceux qui connaissent par coeur le roman Une étude en rouge explicitement adapté – les très belles introductions du frère de Holmes, Mycroft, et de sa némésis, Moriarty, en tête. Dans le même sens, la résolution de la série de meurtres ne clôt pas l'affaire mais pose joliment l'arc de la saison.

- La réalisation de l'épisode est d'une inventivité assez rare. En fait, le réalisateur prend le parti-pris de mettre en images l'univers mental de Holmes. Mis à part quelques effets et transitions gratos, le résultat bluffe. L'utilisation du texte à l'image est le parfait média pour restituer l'effet que doit engendrer toute aventure de Holmes : on est censé suivre sans suivre. Lors de l'autopsie de la meuf en rose, on regarde tout ce qu'il regarde, on a les mêmes données que lui. Pourtant quand il fait son rapport à Lestrade et Watson qui l'assistent, on ne saisit pas du tout comment il en est arrivé à ces conclusions. On se retrouve dans la position de ses deux interlocuteurs : tout est là, offert à nos yeux, mais on est trop cons pour piger, pour connecter les trucs. Le coup de génie de cet épisode est de nous placer tout près de Holmes pour mieux nous montrer qu'il est loin de nous.


- Le rythme effrené transforme l'heure et demie de l'épisode en une poignée de minutes ; l'épisode a beaucoup de choses à dire, entre l'exposition de l'univers, l'intrigue de l'épisode et le début de l'arc mais la narration reste très fluide. C'est rapide mais jamais brouillon.

- La musique, et en particulier le thème récurrent, correspond parfaitement à l'esprit du truc : j'ai l'impression quand j'entends ce morceau de voir Holmes qui fait des tours sur lui-même mais ne cesse pour autant d'avancer rigoureusement. Je regrette par contre que la série cède déjà ici aux habillages sonores ultra-classiques pour accentuer la tension, notamment lors de l'affrontement ultime avec le meurtrier. Come on !

- Le casting est réussi, en particulier le duo de tête, avec Benedict Cumberbatch en Holmes et Martin Freeman en Watson. C'est la donnée stable de la série : même quand l'épisode est faiblard, on est curieux de suivre ces deux silhouettes, l'une élancée, presque un phasme, l'autre rabougri, toute moyenne, et c'est l'évolution de leur relation, de leur dynamique, plus égale que dans les textes où Watson est quand même un peu lent, qui nous tient attentifs.

Très clairement, ce premier épisode est supérieur au roman qu'il adapte ; malheureusement, la suite de la saison ne tient pas ses promesses avec un 1x02 - The Blind Blanker chiant et un 1x03 - The Great Game plus consistant mais pas à la hauteur de A Study in Pink.


Je dirais que le problème majeur est que la réalisation devient plus timide et se banalise. Les effets qui semblaient définir l'esthétique de la série dans le premier épisode sont soit strictement abandonnés, soit utilisés à titre purement accessoire. Qu'on jette un oeil par exemple au sort conféré aux inscrutations textuelles : celles-ci ne participent plus à la narration, elles la décorent par moments, superficielles et dispensables. Du coup, on reste globalement extérieur à la psyché de Holmes et donc aux enquêtes ofzeweek – or, dans The Blind Blanker, excepté une séquence finale qui rattache très artificiellement l'intrigue de l'épisode à l'arc de la saison (genre : « Ah oui, au fait, c'est aussi le Grand Méchant qui est derrière tout ça »), il n'y a quasiment que de l'enquête ofzeweek, alors on s'en fout.

The Great Game, au contraire, s'attaque de front à l'arc et, par ce biais, redonne de la substance à la machine. L'épisode condense cinq enquêtes et, si au début le challenge fascine, la répétition du mécanisme finit par ennuyer. Notamment, l'idée très bonne de faire parler Moriarty par l'intermédiaire de ses otages devient vite casse-couilles. Malgré tout, quand le final arrive, avec la confrontation attendue entre Moriarty et Holmes, la passion revient et on gueule un WHAT ?! suraigu quand le cliffhanger tombe.

Pour faire un bilan de la saison, j'ai en gros deux trucs à dire :

- J'ai du mal à comprendre comment, sur une saison de trois épisodes, après avoir prouvé leur génie dans le premier épisode, la team en arrive à diluer à ce point son talent : pourquoi abandonnent-ils les tics de la réalisation qui auraient donné une personnalité visuelle à la série ? pourquoi, sur juste trois épisodes, ils se permettent d'en pondre un vraiment médiocre ? J'espère que la saison 2 est mieux équilibrée.

- Le pari de base néanmoins est tenu : Moffat et Gattis, bien loin de la franchise Sherlock Holmes par Guy Ritchie qui se déploie parallèlement au cinéma, ont trouvé une nouvelle incarnation de Sherlock Holmes qui, à mon avis, revigore le modèle et risque de faire date. La réussite d'ailleurs valide totalement leur démarche : le Holmes de Ritchie se passe au XIXème siècle et c'est n'importe quoi ; leur Sherlock se passe au XXIème et c'est juste tout à fait ça.

***

Merci Gibet. Allez donc lire le blog qu'il partage avec sa copine (elle aussi au casting de Billy) et bien sûr, jetez vous sur Haché Menu, une web-série grinçante et franchement drôle où il tient les commandes et le rôle principal. Sinon, je t'emmerde : le début de New Girl était bien pourri, je le maintiens. 

Continuons cette phase participative jusqu'à la fin de saison (je reste dans le coin encore un bon mois) : si vous avez une idée de top 10, des questions, des requêtes, allez-y. Je peux juste vous promettre du Community, du Sopranos et les chroniques habituelles, à un rythme plus ou moins régulier, vous me connaissez. Bon dimanche.

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