2.07 Ezekiah


BILLY - S02E07 Ezekiah par billylaserie

Résumé : Sur la route, Henry fait la rencontre de Buckley, un vagabond à la langue bien pendue. Autour d'un feu et d'un bon repas, ce dernier lui propose de lui raconter une histoire. Une histoire sur la religion...

Commentaires : Voilà ce que j'appelle un épisode ultra-référencé. Avec ce personnage de vagabond venu d'on ne sait où, j'en ai profité pour glisser le plus possible de clins d'oeil au folklore américain, ou tout du moins celui que je connais à travers la plume de Dylan. On évoque donc Tombstone, Robert Johnson et surtout, Ezekiah Jones. L'histoire raconté par Buckley est à l'origine une chanson satirique imaginé par Lord Richard Buckley, un artiste pratiquant les monologues en public dans les années 40-50. Cette histoire là, il l'appelait "Black Cross" et elle fut reprise par Dylan lors de ses premiers concerts new-yorkais, c'est comme ça qu'elle est tombé dans mon oreille. Pas l'oreille d'un sourd car j'ai très vite décidé de la ressortir en temps voulu pour accompagner la crise de foi d'Henry. Alors je l'ai adapté, retravaillée et mise dans la bouche de Buckley, ce type qui représente mille choses à la fois et qui représentera ce que vous voulez qu'il représente. Un conteur, un hobo, un fourbe, une vision...

Et face à cette histoire de nègre pendu car il n'avait pas de religion, Henry reste silencieux. Il écoute alors qu'il aurait pu tout aussi bien fermer le claquet de son interlocuteur dès le début. Mais ça le touche plus qu'il ne l'aurait voulu, cette notion de bonheur dans les choses simples, cette idée que le Paradis est bel et bien sur Terre et au présent. "Ezekiah" agit ainsi comme un négatif de "Miséricorde", où Henry errait dans une église afin de réaffirmer sa foi et sa croyance en une rédemption qu'il sait maintenant impossible. Alors il supprime Buckley pour sauver sa vie mais surtout par peur de ce démon qui commence à le ronger, qui a toujours été en lui et qu'il n'a jamais su apprivoiser. Et quand le matin se lève, il laisse derrière lui sa Bible. Celle qui lui a sauvé la vie lors de la "Fusillade" mais qui ne lui permettra plus de la vivre sa vie. 


Je n'aurais pas pu vous proposer un épisode comme celui-ci lors de la première saison. Mais grâce à l'éclatement des personnages, à l'ambiance plus sombre de la deuxième saison et au fait que vous connaissez mieux le cheminement d'Henry, c'était le moment idéal. Voilà encore une sorte de huis-clos au coin du feu, de scène théâtrale macabre que j'avais depuis longtemps à l'esprit. Un temps fort pour le personnage d'Henry et l'occasion pour Buckley de marquer les esprits, rien que le temps d'un épisode. On a pu également jouer avec la forme et offrir à chaque protagoniste du récit d'Ezekiah, qu'il s'agisse du nègre, du prêcheur ou des villageois, un visage différend, un point de vue différent. C'est aussi ambitieux que prétentieux, mais voilà : cette schizophrénie me permet de déconstruire aussi bien la religion que le rêve américain. Et je pense que l'épisode pourra même être apprécié indépendamment du reste de la série, comme un court-métrage, comme une parabole étrange. 

Anecdotes : C'est Thomas Landemaine, ancien élève du conservatoire d'Angers et actuel comédien professionnel (travaillant notamment avec le Collectif Platok) qui offre ses traits à Buckley. Il est venu un soir d'août nous rejoindre dans notre trou paumé, avec le texte su sur le bout des doigts et les enjeux du personnage tout à fait claires dans sa tête. Je lui ai refilé un costume de hobo, on a allumé un feu de camp juste à côté de notre cimetière improvisé, et lorsque la nuit est tombé, je peux vous dire que l'ambiance vous foutait des frissons dans le dos. Le tournage fut intensif mais avec un acteur aussi pro et précis que Thomas, ce n'était pas un problème. Le seul problème, c'était ce putain de feu qui lui brûlait le visage et les rétines et l'a parfois empêché de boucler une prise correctement. Un bien pour un mal car cela lui illumina encore plus le regard et lui offrit un air de folie supplémentaire et de ferveur alors qu'il incarnait le prêcheur. J'étais hypnotisé et ravi de voir une nouvelle fois mon récit prendre vie et de voir ce récit folklorique en retrouver une nouvelle. 

Et ça a permis à Adrien de ne pas tricher une seule seconde alors qu'il écoutait le récit et nous offrait de très justes réactions. Ce dernier prenait très à coeur le parcours d'Henry dans la seconde saison et s'impliqua avec tout son coeur et tout son esprit dans ses questionnements. La soirée de tournage se termina avec la scène de meurtre dans la nuit qui ne nécessita que deux prises seulement pour un résultat qui dépassait mes espérances. Et puis Thomas est reparti, heureux de nous avoir rendu service et je profite de ces lignes pour le remercier de nouveau. Sa courte apparition dans la série devrait, je n'en doute pas, marquer les esprits. 


Les scènes du petit matin fûrent tournés dès le lendemain, alors qu'il pleuvait et que l'on a ravivé un feu qui produisait plus de fumée que de flammes. Parfait. Cette petite Bible que j'avais acheté dans une brocante angevine et que j'avais tailladé au couteau lors de la "Fusillade" se retrouva donc brûlé sous nos yeux d'athées et Dieu nous le pardonnera. 

Dernière anecdote : à l'origine, Buckley devait être accompagné d'un chien. Que j'avais appelé Jefferson, en l'honneur du signataire de la Constitution et troisième occupant de la Maison Blanche. Une brave bête qui allait ensuite suivre Henry pour le reste de ses aventures mais que j'ai dû finalement supprimé du récit car avoir un chien sur le tournage aurait nettement compliqué la logistique. Voilà, comme d'habitude, vous savez tout. Et si j'ai oublié des choses, le reste de l'équipe et même Thomas ne manqueront pas de venir les rajouter tôt ou tard. De toute façon, lorsqu'on vous offre un épisode, il ne nous appartient plus. 

Musique : Alors qu'un matin pluvieux se lève, Henry se retrouve à la croisée des chemins. Robert Johnson connaît bien la croisée des chemins. Bluesman aux milles légendes, il avait fait un pacte avec le diable et fut empoisonné peu de temps après. En 1937, il eut tout de même le temps d'enregister "Me & The Devil Blues" qui raconte cette expérience surnaturelle. Et illustre donc cette Bible qui se consume et Henry qui laisse tout ça derrière lui, sous la pluie... 


La semaine prochaine : Un fantôme que l'on connaît bien vient hanter Billy tandis que les Frères Coe recoivent de la visite en prison...

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