Non content de squatter mon canapé et de m'écouter dire de la merde, Gibet m'a redonné envie de voir "Le Visiteur du Futur". On a donc décidé d'ouvrir une série où l'on parlera régulièrement des webséries qui nous excitent (parce que c'est bien beau d'en faire mais il faut aussi parler des autres). Et on commence donc avec la troisième saison du VDF. SPOILERS (concernant aussi, un peu, la S4).
Gibet : L'autre jour t'es venu me parler en mode "la saison 3 du VDF elle est top", et je dois avouer que ça m'a beaucoup surpris car à mon premier visionnage au fur et à mesure de la diffusion, ça avait été loin de m'enthousiasmer, j'avais même été déçu et pour tout dire ça avait un peu détruit ma passion pour la série. Mais du coup, vu que t'as débarqué avec autant d'entrain, et que je fais forcément confiance aux goûts du Docteur ès Séries TV que tu es, j'ai redonné une chance au truc et merde t'as raison, a posteriori, la saison 3 a franchement pas à rougir devant les deux premières.
Je pense que j'ai pris aucun plaisir au premier visionnage car la saison 2 est le truc le plus excitant, stimulant, et intense que j'aie suivi sur les internets. J'ai découvert la série quand la saison 1 en était à la fin de son deuxième tiers, et entre la saison 1 et la saison 2 la sauce avait vachement monté, j'avais regardé tous les trucs de la team, y'avait un sentiment de proximité énorme par rapport à tous ces petits gens (ce sentiment je l'ai perdu totalement aujourd'hui, mais je crois que qu'il existe toujours vu comme le Fan Club Frenchnerd est actif). J'ai suivi la saison 2 au rythme de diffusion, j'étais à foooond. C'était vraiment une expérience puissante, je me souviens que je pleurais des fois juste parce qu'ils se permettaient d'être ambitieux et qu'en plus ils réussissaient. Genre j'ai chialé comme un gosse devant la scène de baston pourtant assez gratos du final de la saison 2. Parce qu'en gros je savais que Descraques atteignait là une sorte d'idéal En un mot, c'était putain d'épique. La saison 2 m'a tellement fait de choses que ce qui suivait ne pouvait que me décevoir. En voyant la saison 3 la première fois j'avais trouvé ça chiant et mécanique probablement juste à cause de ça.
Dylanesque : Et c'est justement en me souvenant de t'avoir entendu dire que la saison 3 était pas folle que j'avais repoussé mon visionnage et que je partais avec un tas d'apriori. Il faut d'abord savoir que mon histoire avec le VDF n'est pas aussi intense que la tienne, émotionnellement. Je ne suis venu aux web-série et à Frenchnerd que très tard, il a même fallu attendre que je ponde ma première web-série et qu'on n'arrête pas de me dire "vas-y, Descraques est meilleur que toi" pour que je me penche sur la question. C'était un weekend de juin, avant de partir tourner BILLY avec des gamins nourri par Youtube depuis toujours, que j'ai fini par craquer. Je me suis enfilé les deux premières saisons non-stop, j'ai binge-watché ça comme un gros taré. Et ouais, j'ai dû me rendre à l'évidence : de la putain d'ambition, du cœur et du savoir-faire incroyable. Le tout avec un énorme panache. Et quelques trucs qui m'agaçaient mais rien de suffisamment grave pour m'empêcher de savourer l'exploit. Alors que je me ramenais avec ma propre ambition de devenir le Sorkin/Dunham du web, je venais de faire la rencontre du Whedon. Il était bien installé et j'étais ravi pour lui (mais j'ai pas chialé, je suis virile).
Sauf que la troisième saison a eu la mauvaise idée d'être diffusé pendant que je diffusais BILLY et j'avais tellement peur de mourir d'une crise d'infériorité et de jalousie que j'ai préféré la garder pour plus tard. Ensuite, la bande de fans en chaleur du Daily Mars s'est tellement extasié devant le moindre pet de Descraques que, ça aussi, ça m'a refroidi. Et puis voilà, ça fait un an maintenant, soyons fou, j'ai lancé "Michel", le season premiere. Qui m'a beaucoup plu et pas seulement à cause d'un Simon Astier plus drôle en cinq minutes du VDF qu'en trois saisons de Hero Corp.
Gibet : Détrompe-toi c'est assez drôle Hero Corp, voire même vraiment très drôle dans les meilleurs moments des saisons 2 et 3, c'est pas ça leur problème. Bref : ouais le season premiere fait vraiment très bien le boulot, hop le petit point de vue extérieur pour rappeler où on est et préciser où on va sans jamais être relou. (j'arrive pas à en dire plus sur le season premiere pour l'instant, je te laisse la main)
Dylanesque : Oui, il y a là-dedans tout ce qui fait un season premiere solide : l'univers est de nouveau exposé et de manière suffisamment claire pour ramener des gens en cours de route ; de nouveaux personnages intéressants sont introduits (on a peur au début que les Missionaires fassent redite de la S2 et on nous explique direct qu'en fait, non). Et enfin, les personnages que l'on connaît déjà se retrouvent dans une position différente, avec des conflits qui sont la suite directe des évènements d'avant et promettent une belle évolution en perspective. Pour en revenir à Astier, il se met rapidement à faire du Yvain mais il le fait tellement bien que ce n'est ni relou, ni une redite par rapport à la série de son frangin (tant mieux, ça évite l'ombre d'Alexandre de trop plâner sur ce que nous propose François). Ce qui me plaît bien aussi dès le début, c'est que le focus est mis sur Raph. Et à mon sens, c'est une très bonne nouvelle.
Gibet : Ouais bah justement, c'est peut-être là-dessus que j'ai été insatisfait de prime abord. Comme j'essayais de l'expliquer dans ce petit billet sur Buffy, j'aime les héros, et c'est avant tout la mise en action de leurs grands questionnements éthiques qui va me captiver. Le Visiteur : qui c'est ce mec ? pourquoi il tient tant à sauver le monde ? s'il fait ça vraiment pour sauver l'humanité, sans objectif mineur égocentré, où est-ce qu'il puise cette force d'abnégation presque absolue ? Dans la saison 2, c'était parfait pour moi, car l'action du Visiteur était sans cesse remise en cause, avec toute cette affaire de dommage collatéral, je trouvais ça passionnant narrativement que le héros, tel quel, puisse en fait être le méchant.
Dans la saison 3, Descraques, il abandonne pas totalement ce noeud-là, mais il le met en stand-by, on en vient toujours à se demander si l'entreprise du Visiteur est saine et légitime face à l'organisation des Missionnaires, mais pas plus que face aux Lombardi en saison 2. Mais finalement, ce focus sur Raph, il est très bien foutu. J'aime beaucoup la dynamique du couple Raph - Stella par exemple. A priori c'est un couple classique de comédie avec la meuf qui arrête pas de demander au gars de grandir, d'être viril, et l'enjeu du gars c'est d'accéder à ça avant qu'elle se barre. Mais ce qui change tout, je trouve, c'est que c'est sur un truc hyper malsain que leur couple s'est construit, le mensonge de Raph qui sait de source sûre - et le spectateur avec lui ! - qu'ils seront malheureux ensemble mais qui fait croire le contraire. Ca donne un côté vraiment tragique au truc, une espèce de tonalité gris foncé qu'on oublie jamais totalement même dans les moments les plus pouet pouet. M6 devrait rajouter un background comme ça à tous les personnages de Scènes de ménage, ça serait mille fois plus intéressant. Et le plus fort dans tout ça, c'est quand Descraques (en même temps il sait très bien faire ça en général) parvient à lier cette intrigue intime à l'intrigue aventure dans l'épisode où Raph doit convaincre Stella de rester avec lui pour sauver ses potes dans le futur.
Dylanesque : Moi, mon perso favori, c'est Giles. Mais on s'en fout.
Déjà, je dirais que c'est normal pour un showrunner qui a un plan longue durée en tête (je sais pas si c'est le cas, je présume) de devoir mettre de côté certains noeuds à l'origine de son récit. 1) Parce qu'il peut ainsi profiter des autres aspects cools qui se sont dégagés sans prévenir et les exploiter (l'excellence de son petit frère par exemple ou la richesse de son univers). 2) Parce qu'il sait qu'il pourra ainsi rendre les liens qui unissent une galerie de personnages grandissants plus forts et complexes et que quand il devra tout faire culminer lors de la fin, les graines auront été semés. Ca donne parfois des milieux de séries moins immédiatement cohérents ou organiques, moins fluide, mais c'est un passage obligé pour tout mec qui veut faire son Shakespeare. Le milieu, c'est pas le mou, c'est l'endurcissement. Et à ce niveau là, et malgré des défauts sur lesquelles on reviendra, la troisième saison fait le job.
D'ailleurs, tu mets bien le doigt sur la réussite de ce changement de focus : il n'est pas gratuit et est lié à un background/futur tragique. La romance de Raph et Stella oui, et surtout, le rôle qu'il peut jouer dans l'Histoire de l'humanité et l'histoire du récit s'il n'abandonne pas sa naïveté et la compassion qu'il a pour ses amis. Je le résume de manière très gnangnan mais c'est fait avec plus de subtilité par Descraques, surtout dans l'avant-dernière excellent où il doit désamorcer la bombe et surtout gâce (à cause ?) du sort de Judith. Car oui, même si le Visiteur est un peu sur la touche, la série est toujours une histoire de groupe et notre Scooby Gang national est pas ménagé.
Allez, je fais direct un aveu : j'ai mis longtemps à vraiment apprécier Judith. J'aimais bien son duo avec Mattéo. J'aimais bien son rôle au sein du groupe. En gros, j'aimais bien l'idée de Judith. Mais je l'appréciais pas forcément à sa juste valeur. Ce sadique de Descraques m'en a privé au moment où je m'attachais pour de vrai à elle. Et toi qui est plus fan que moi, c'est quoi ton rapport au personnage et à ce qui lui arrive dans le huitième épisode, l'un des mieux foutus de la série selon moi (aussi bien dans sa structure que dans les émotions qu'il dégage (elle est longue cette question, non ?) ?
Gibet : Le huitième épisode est excellent, ça c'est sûr. C'est un parfait hommage au personnage, ça fait la synthèse de ce pourquoi on l'aimait si on l'aimait et ça conclut joliment. En plus de ça, j'aime beaucoup le type de la société Replay et une fois de plus Descraques arrive à créer une putain d'ambiance visuelle avec trois fois rien, deux paires de loupiotes et des stores vénitiens. Petite parenthèse : le travail de photographie sur la saison 3 est irréprochable - ça, personne ne pourra lui enlever. Descraques a un don pour ça. Même Les Opérateurs, qui est une série ratée à plein d'égards, visuellement ça tient très bien debout. Si un jour le Descraques est au chômage, il peut se pointer à la BBC et bosser comme réal sur Doctor Who, vu comment il sait créer du visuel dans l'efficacité et l'économie.
Pour en revenir au personnage de Judith, je sais pas, il m'a jamais vraiment passionné. Pourtant, en principe, ça devrait être mon perso favori, une jolie rousse avec des couilles, un peu bitch un peu insaisissable. Mais j'arrive pas à savoir si c'est un problème de jeu ou d'écriture. Quand je me repasse la série en mémoire, je ressens de la lassitude à l'égard de ce perso, comme s'il faisait tout le temps la même chose en boucle - donc soit Descraques nous l'a écrite trop monodimensionnelle, soit elle l'a jouée comme ça. Je sais pas. En tout cas ouais le personnage de Judith n'a jamais été aussi intéressant que dans son ultime épisode, et c'est un peu dommage. C'est un peu dommage mais en même temps j'ai très peur que Descraques en vienne à annuler sa mort dans les prochains épisodes de la série, car c'est une très belle conclusion, et rebrousser chemin ça serait une erreur d'après moi. Comme quand dans Community ils ont fait revenir Pierce en saison 3 alors qu'ils avaient réussi à lui offrir une sortie digne à la fin de la saison 2. Je compte sur le fait que Descraques est plus malin que ça, mais j'ai quand même un peu peur.
Dylanesque : J'ai peur aussi mais je te proposes qu'on en reparle quand on parlera de tout ce qui nous fait peur au sujet de la quatrième saison ? Et puis, gardes l'espoir : Pierce a fini par avoir l'une des rares scènes réussis de la cinquième saison alors bon.
Perso, je pense que si je n'ai jamais aimé Judith autant qu'on a voulu me la faire aimer, c'est dû à une actrice qui fait peu respirer son rôle et à un metteur en scène qui lui donne pas tant d'espace que ça. Mais malgré tout, l'épisode est vachement bien foutu, aussi beau que tu le décris visuellement (difficile de reprocher à Descraques ce qu'il fait avec l'image, je suis bien d'accord) et un joli/triste (c'est la meilleure forme de joli) point central à la saison (à la série ? il faudra que je t'expose une théorie à ce sujet).
Bon, mise à part un Raph qui vole la vedette et un duo Judith/Mattéo émouvant, que peut-on retenir ? Des Missionnaires, je ne retiendrais pas en tout cas Joseph, un big boss caricatural, relou et joué sans aucune nuance. Ce que je craignais d'ailleurs de la part de son acolyte Constance au début, jusqu'à ce qu'elle dévoile son potentiel et fasse figure de love interest crédible pour le Visiteur. Oui, quitte à être relayé au second plan, notre héros avait bien le droit à un peu de romance et comme c'est toujours en filigrane et qu'il y a une belle alchimie entre les deux, j'ai shippé (et j'ai eu raison, si j'en crois ce qui se passe actuellement dans la quatrième saison). Et puis les Missionnaires, c'est aussi un bon vivier à personnages secondaires et à trouvailles créatives, où l'esprit d'entreprise est bien mieux rendu que dans "Les Opérateurs". Faut juste faire gaffe à pas succomber à la tentation de mettre toutes les pseudos-stars du net pseudo-rigolo dans un costume à cravate. Oui, Richard, c'est toi que je vises et aussi les figurants de "Néo-Versailles".
Je retiendrais aussi que les Lombardi, à défaut d'être des comédiens supportables, sont bien utiles quand il faut conclure une intrigue en la liant aux précédentes. Que le dernier épisode est pas si intéressant (sauf si on aime la baston bien - trop bien - chorégraphié) et que c'est vraiment le chemin des personnages qui m'a passionné, plus que la destination. Et que Slimane sait pas faire l'accent belge ni rendre complètement hommage à un Henri qui est pourtant, sur le papier, un personnage clé vachement bien écrit.
D'ailleurs tu sais quoi ? Plus j'y repenses, plus l'épisode 4 ("L'Alcool Aidant") est mon favori sur le papier. Pas forcément en vrai mais le fait d'avoir une pause dans la narration qui sert autant les personnages me ravit. Après, c'est une histoire de justesse de la part des comédiens et c'est au final très subjectif.
Gibet : Je sais pas quoi dire car je suis globalement d'accord, alors je vais simplement dire que je suis globalement d'accord. J'ai un truc à ajouter, ça entre un peu dans la thématique des peurs par rapport à la saison 4, quoique pas tout à fait : le rapport de Descraques à ses fans me rend très très triste. Je sais pas si tu lis ce qu'il écrit sur son blog quand il partage les épisodes, ou quand il prend le temps de répondre aux commentaires, mais en gros c'est extrêmement révérencieux, c'est des paragraphes d'excuses et de justifications... Dans les commentaires il se laisse humilier sans ciller. Ca me rend triste car même quand la série est dans ses moments les plus bas, Descraques essaie toujours de défendre quelque chose, il a une vision quoi. Mais ses fans ont zéro patience, ils lui crachent dessus à n'importe quel prétexte. Et lui tolère ça. Même carrément il valide ce comportement en agissant tout le temps comme s'il avait des comptes à leur rendre. J'ai un peu peur qu'à force il fasse des compromis pour ces cons-là.
Dylanesque : Oui, c'est assez inquiétant. La connerie des fans hardcore et la docilité de celui qui donne autant de lui et se retrouve dans cette situation un peu triste. La quatrième saison souffre parfois un peu de ça et je m'interdis maintenant de lire ses messages car j'ai de la peine. J'en viens presque à être heureux de l'indifférence que peuvent générer nos projets mon bon Gibet !
Malgré tout, sa vision aura su nous divertir durant une troisième saison qui tient globalement debout, offre de belles fulgurances et des moments clés dans l'évolution de personnages auquel je tiens beaucoup, ne serait-ce que les deux principaux. Et j'espère qu'on se trompe pas quand on parle de vision. Je veux pas, à mon tour, faire mon fan chiant. D'abord parce que je suis pas fan, juste respectueux et souvent heureux du travail de Descraques. Jaloux même et je dis ça comme un compliment. Mais je vais te balancer ma théorie, pas pour qu'il la réalise, juste parce que j'ai envie. C'est même pas une théorie, c'est un désir : avoir une cinquième et ultime saison. Qui se passe dans l'espace tel que nous le décrit le Visiteur en dévoilant son secret dans le season finale. Un dernier acte où on pourra arriver au bout de la dramaturgie Shakespearienne et qui, avec le recul, nous fera dire que la troisième saison (et même la suivante) étaient des pièces maîtresses se savourant à la fois indépendamment du tout et à l'intérieur du tout. Et qui redonnerais à Florent Dorin l'occasion de briller en incarnant un personnage qui semble aujourd'hui un peu lui échapper. Tu me comprends ou je suis trop mystique tout un coup ?
Je veux bien qu'il soit mystique Descraques en tout cas. Il sait faire de la poésie. Il sait faire de l'humour. Qu'il se déconnecte deux secondes du forum French Nerd (même s'il doit beaucoup à la communauté) et qu'il se fasse plaisir à poursuivre et conclure l'aventure comme il le sent. Qu'il fasse ce qu'il veut en fait car il a ma confiance à l'origine et, je le redis, tout le respect que je dois à quelqu'un qui a réussi à rendre mon tout petit écran aussi excitant, sans jamais avoir à rougir d'une quelconque comparaison.
Voilà ce qui peut arriver. Ce qui peut lui arriver de mieux.
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