6.13 The Promise [Series Finale]

"In the deep dark hills of eastern Kentucky
That's the place where I trace my bloodline
And it's there I read on a hillside gravestone
You will never leave Harlan alive"

On n'échappe pas vivant d'Harlan, Kentucky. Et pourtant, c'est bien ce qui arrive à nos deux héros. Je les appellerais bien anti-héros si le terme n'était pas autant dépassé et que ces deux-là n'avaient pas reçu un traitement aussi complexe depuis le début, traversant dans tous les sens la ligne qui sépare le Bien et le Mal. Et ça valait vraiment le coup de les avoir vivant dans cette ultime scène pour avoir le droit à cette touchante conversation qui capturait à la perfection l'esprit de la série et ses qualités : une histoire de loyauté raconté avec les dialogues les plus concis et mémorables possible. Au final, plutôt que d'avoir en tête la violence et les multiples rebondissements, on sort de la série avec le souvenir de personnages hauts en couleurs, de répliques cultes et de relations complexes au coeur de l'Amérique. Je n'ai jamais lu le travail d'Elmore Leonard mais si j'ai bien compris ce qu'en disent ses fans, il aurait été fier de cette résolution très maline (j'ai d'ailleurs cru comprendre que le chapeau porté par Raylan à la fin était celui qu'il aurait dû porter depuis le début). L'important n'est pas que ce soit parfaitement ficelé mais que les scénaristes tirent les ficelles à l'endroit juste. C'était le cas. 

Et on peut presque en dire autant d'une ultime saison qui a lentement mais sûrement réparé les erreurs commises par la précédente. Je dis lentement car réintroduire une bande de vilains et lancer une dizaine de fois Raylan sur la piste de Boyd pour nous faire patienter jusqu'au final, c'était parfois un peu laborieux. Mais cette fois, on avait Sam Elliott plutôt que Michael Rapaport et on avait l'assurance que la fin était proche et qu'on ne perdait donc pas trop notre temps. Sans que ce soit forcé, plusieurs figures importantes du récit furent convoqués, en particulier l'héritière Bennett dont l'ascension dans le monde du crime mériterait presque un spin-off à lui seul. Tout comme l'éternel fuite en avant de Wynn Duffy, la genèse de Boon le premier hipster-cowboy de l'Ouest, le passé de Tim en Irak, la retraite paisible d'Art ou même la rédemption du pasteur Boyd en prison. C'est dire à quel point on tenait là d'incroyables protagonistes au parcours parfois tourmenté mais toujours porté par des acteurs qui s'en donnaient à coeur joie. C'est simple : on avait l'impression que tout ceux qui n'avaient pas eu l'occasion de figurer dans Deadwood saisissait celle de jouer dans Justified. Et que les anciens de Deadwood venaient aussi rejouer un western plus moderne. 


Plus moderne mais aussi très traditionnel. Cette opposition, on la retrouve pas seulement dans le genre mais aussi dans la forme de la série. Au départ, n'oublions pas qu'il s'agissait d'une série de loner, presque en avance sur la mode des séries d'anthologies, reprenant les aventures du Raylan Givens imaginés par Elmore Leonard. Très vite, la présence de Walt Goggins a poussé les scénaristes à imaginer un fil rouge concernant Boyd et quand Margo Martindale a rejoint le cast l'année suivante, on a versé dans la sérialisation sans possibilité de retour. Ces loners étaient en tout cas souvent une réussite et prouvait qu'il était encore possible de raconter des histoires complètes sans succomber à la tentation du feuilleton juste pour le feuilletonnant. Il était même difficile parfois de tenir la route avec des arcs accumulant les ennemis et les fils qui s'emmêlent. Après une deuxième saison qui reste toujours la plus réussie, l'équilibre n'a jamais tenu aussi bien. Mais Justified parvenait toujours à passionner au détour d'un dialogue bien senti, d'un affrontement joliment mis en scène ou d'un guest-star de luxe. Si la troisième saison était inégale, la suivante fut un régal dès qu'elle est parvenu à démêler les nombreux noueux scénaristiques dans lesquelles elle s'était fourrée avec cette histoire de chasse au trésor. 

Et après la déception, le tir fut donc bien rectifié. On nous a tout naturellement (et de manière forcément prévisible) recentré sur l'affrontement entre les deux frères ennemis en redonnant à Ava la place qu'elle méritait dans le récit (qui n'était pas en prison, bien entendu). C'est une fin pleine de moments excitants (les duels western, la chute de Markham, les explosifs de Boyd) et d'autres plus poignants (les adieux de Raylan à ses collègues, les larmes de Boyd en prison avec un Goggins finalement beaucoup plus efficace quand il ne cabotine pas trop). Et ce dernier échange donc, qui rappelle à la fois pourquoi ces deux-là jouaient au chat et à la souris et pourquoi on les a suivi depuis aussi longtemps. 


Encore une série importante dans ma petite vie de sériphile qui se termine cette année. Et qui se termine très bien. Kurt Sutter, j'espère que tu étais devant ton écran pour en tirer quelques leçons. Moi, je vais me remater Deadwood avant de revenir, éventuellement à Justified. Et d'attendre l'héritière, celle qui saura aussi bien nous parler de cow-boy et de bandits.

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