7.11 Time and Life

Jamais Mad Men n'avait fait autant de références à son passé et ça, c'est un beau cadeau de la part de Weiner et un signe que la fin approche. En fait, c'est même pas qu'elle approche, c'est qu'elle est déjà là. "Time & Life" joue avec nos attentes et notre connaissance de la série pour nous expliquer que, ça y est, circulez, il n'y a plus rien à voir. 


Alors qu'on se frotte les mains en espérant un troisième acte à "Shut The Door, Have A Seat" (où il était déjà question d'échapper à McCann) avec une équipe qui se démène pour faire survivre leur agence, notre élan est coupé court. Alors qu'on s'attend à voir un dernier grand speech de Don, l'une des marques de fabrique de la série et du personnage, il est interrompu au bout de quelques phrases. Sterling Cooper ne sortira pas un dernier tour de son sac car Sterling Cooper n'existe plus. L'appât du gain qui se lisait sur les visages dans "Waterloo" se transforme en une belle déception pour les cinq partenaires. Ce qui est sensé être une bonne nouvelle (partir travailler pour l'une des plus grosses agences de pub du monde) tombe comme un vrai coup dur pour les membres historiques de Sterling Cooper. Car ce qu'ils vont perdre, c'est ce que tout le monde a le plus de mal à trouver et à garder intact : leur identité.

Don en sait quelque chose, lui qui ne porte plus son vrai nom depuis longtemps. Dans une scène très drôle car il est très outré, Pete a la preuve de l'importance d'un nom quand il réalise que ça pourra influencer l'avenir de sa fille et que ça influence déjà le bien-être de cette pauvre Trudy. Roger, lui, semble craindre que, le jour où son nom ne sera plus sur la porte, il n'existera plus vraiment. Comme Cooper et Pryce qui sont présents comme des fantômes, notamment dans un très beau plan rappelant celui où, en 1966, les partenaires découvraient les nouveaux bureaux de leur agence ("The Phantom"). Il y en a plein des parallèles comme ça et pas juste pour récompenser le fan de la première heure (même si c'est le cas et ça fait plaisir) : aussi pour nous montrer que rien n'est acquis et que chaque accomplissement, chaque chose que l'on a acquise durement, on peut facilement le perdre. La position de Joan notamment qui, dans le taxi qui l'amène se consoler avec son nouvel amant, semblerait presque se réconcilier avec Pete tellement elle est désappointée. Ou la relation qui nouait les personnages qui semblent presque se dire adieu dans une scène au bar qui ressemble à des adieux entre acteurs et à un series finale, notamment quand il ne reste plus que Don et Roger, que ça devient presque fraternel malgré tout. 


Peggy, elle, avait déjà renoncé à une partie de son identité, il y a déjà dix ans. Et depuis, la série n'a cessé de laisser planer au dessus d'elle les séquelles de cet abandon. À partir du moment où des enfants entrent dans les bureaux de l'agence pour un casting et que Pete la convoque dans son bureau, je savais que leur enfant serait mentionné. C'est une belle idée d'avoir choisi Stan comme confident et le bilan d'une carrière comme prétexte pour revisiter ce thème. Si mes souvenirs sont bons, on n'avait pas entendu Peggy s'exprimer sur le sujet depuis longtemps et ce n'est pourtant pas la première fois qu'elle en a l'occasion. Récemment, avec Don, dans "The Strategy", quand il imaginait la famille parfaite pour une publicité de Burger Chef, elle se demandait si elle avait raté quelque chose. Là, face à Stan, elle se pose la même question mais la réponse semble être évidente et il n'y a aucun regrets à avoir. Si c'était à refaire, elle le referait. Et comme ce fut souvent le cas dans la série, s'il faut compter sur un personnage pour savoir aller de l'avant et saisir le futur, c'est bien Peggy Olson. J'en serais d'autant plus ravi si elle le faisait en compagnie de Stan. Comment ne pas l'espérer après cette scène au téléphone où on ne raccroche pas pour se rassurer, pour passer quelques instants à savourer la fin d'une époque. 

On aimerait bien en faire autant mais les choses vont très vite et au vu de la réaction des employés de l'agence (excepté ce bon vieil opportuniste d'Harry Crane), il va falloir se faire une raison. On ne reverra probablement plus Don faire un discours. On ne reverra peut-être plus Ken, qui a fait son choix et qui pourra le blâmer tant il méritait une vengeance ? Ted semble lui aussi résigné et ravi de ne plus avoir à succomber sous le poids des responsabilités. Même Lou Avery a le droit à sa conclusion, très drôle. Quand à Trudy, on vient sûrement aussi de lui dire au revoir sans le savoir et c'est bien ce rôle qui, pour moi, collera à la peau d'Allison Brie. On sent que les scénaristes terminent ce qu'ils avaient à nous dire sur leurs personnages (au moins sur les secondaires, notamment les chères secrétaires) et c'est très émouvant. 


Il reste donc Don, étonnamment serein face aux événements. Parfois maladroitement, cette ultime ligne droite lui aura pour l'instant méticuleusement enlevé tout ce qui constituait sa vie : sa femme, son appartement, le respect de sa fille, son amante et maintenant son agence. Il ne lui reste plus qu'un job où ses talents n'aura plus le même impact et un nom qui ne lui appartient pas et qui ne figurera même plus sur aucun logo. La dernière fois, je parlais de la mort comme de son issue mais au vu de cet épisode, je me demande si Don ne va pas se réinventer. Peut-être qu'on nous parlera de ça dans les trois épisodes restants. J'ai aucune idée de ce à quoi ils vont ressembler mais après un "Time & Life" qui sonnait comme une fin, ça sent fortement l'épilogue.

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