Voilà, je suis arrivé au sommet de ce monument qu’est The Shield. Il m’a fallu du temps, j’ai encore le souffle coupé par l’ascension. Ca va être dur de redescendre, de quitter Farmington. Je viens de vivre un véritable orgasme télévisuel avec cette ultime saison et c’est toujours difficile de s’en remmettre. Je pensais avoir atteint une qualité inégalable avec les finals de The West Wing et Six Feet Under, et voilà que Shawn Ryan a encore repoussé les limites de ce que peut offrir la télévision. Une grande fresque vient de s’achever devant mes yeux, qui marquera à jamais la production sérielle des années 2000. Merci à lui et à toute l’équipe de The Shield.
J’ai commencé à regarder la série il y a trois ans. Avec pas mal d’aprioris. J’avais peur de tomber devant un cop-show bien virile, avec des enquêtes déjà-vu et du trash histoire de faire du trash. Et puis après le pilote, je n’ai jamais pu m’arrêter. En effet, c’est sale, dégueulasse même, ça sent la poudre, la sueur et le sang du côté de Farmington et ça dégage une fureur contagieuse qui fait qu’il est impossible d’y résister. The Shield fait ressortir tout ce qu’il y a de meilleur et de pire en nous et a traité avec génie des thèmes de la corruption, du pouvoir, de la fraternité, et surtout de l’équilibre entre le Bien et le Mal. Une exploration fidèle et sans concession de la dérive sociale qui hante de plus en plus les quartiers des villes américaines (qui s’achève, étrangement, et tout comme sa cousine proche The Wire, l’année du départ de Bush et de l’arrivée d’un nouvel espoir). Après deux premières saisons explosives et captivante de bout en bout, ce sont les personnages qui ont pris le dessus et qui sont devenus la force de la série. Vic Mackey bien sûr, un des plus grand anti-héros de la télévision, qui porte la série grâce au charisme spectaculaire de Michael Chicklis qui a décroché là le rôle de sa vie. Mais aussi Walton Goggins qui a eu le mérite de rendre à Shane, une faible copie de son mentor, l’humanité qui lui manquait au départ. CCH Pounder ou l’art de dégager milles émotions en un seul regard, qui a formé pendant sept ans le plus attachant des duos avec Jay Karnes, interprête de Dutch, le chasseur de serial-killers socialement handicapé. Autour d’eux gravite tout une série de personnages secondaires finement construits, de guest star qui ont chacune apportés leur talent à la série (Glenn Glose, Forest Whitaker ou plus récemment Frances Fisher). Sans oublier une réalisation innovante, qui toujours à la limite du documentaire, n’a jamais été cherché le beau, l’effet de mise en scène, mais toujours la vérité pure et brutale. L’énergie des rues et la noirceur du genre humain. The Shield c’est un style, une identité (elle va me manquer cette vieille église en ruines), qui a dynamité les codes de l’écriture et de la réalisation télévisuelle, sans prétention aucune, en restant cohérante du début à la fin.
Cette septième et ultime saison en est l’exemple le plus frappant, et j’imagine qu’avec le recul elle sera peut-être la plus réussie de l’ensemble (même si The Shield doit se concevoir comme un tout plutôt que comme une suite de saisons). Le Barn et son personnel a tellement évolué depuis le pilote… Et pourtant Shawn Ryan a expliqué que la série ne se déroulait que sur trois années en tout. Trois années où la Strike Team a lentement couru vers sa destruction tandis que le Barn a tout fait pour garder ses portes ouvertes. Avant de parler du serie finale, je tiens à dire que « Possible Kill Screen », l’avant dernier épisode, est peut-être la meilleure chose que j’ai vu devant mon écran. J’ai littéralement pris mon pied devant ces quarantes minutes explosives, où tout arrive sans prévenir, et où Vic avoue enfin, avec un sourire ironique, ses pires pêchés. Alors « Family Meeting » sonne-t-il l’heure de la rédemption ? La chute de la Strike Team trouve-t-elle une fin ?
Finir une série d’aussi grande qualité est un exercice périlleux. Mais je fais confiance à Shawn Ryan et je savais qu’il saurait satisfaire le spectateur, tout en ne lui donnant pas ce qu’il a envie. Le sort des personnages est juste et terriblement cruel : l’image qui marque c’est le suicide de Shane, qui se sacrifie lui et sa famille, pour éviter la prison et rester unis pour l’éternité. Une conclusion superbe à ce personnage qui a été le véritable héros de cette saison, et dont la fuite a montré toute son humanité de cet éternel perdant. Il n’est jamais arrivé à la cheville de son mentor, a accumulé les fautes impardonnables, le meurtre de Lem en tête, et pourtant, on éprouve de la pitié pour cet homme, son regard fatigué et l’amour qu’il porte à sa famille. Lorsque Claudette montre à Vic les photos du cadavre de son ex-coéquipier, j’ai versé une larme. Tout comme j’ai eu la gorge noué et j’ai eu envie de crier aussi fort que Ronnie, qui va finir ses jours en prison. D’un personnage transparant, Ronnie est devenu le survivant de la Strike Team, jusqu’à sa dernière scène, où il est impuissant face à la cruauté de Vic, qui sacrifie son dernier allié. C’est donc Vic le survivant de la Strike Team, au final. Il a toujours réussi à s’en sortir et je savais qu’il ne finirai ni mort, ni en prison. Mais je ne voulais pas le voir impuni pour tout ce qu’il a fait, je voulais qu’il réalise ses erreurs. Ce type est un monstre, aussi humain soit-il, et il méritait de perdre sa famille, ses amis et son poste. Le voilà donc emprisonné pendant trois ans dans un bureau, en costard cravate, à faire de la paperasse. Il ne pouvait pas rêver pire et ce regard qu’il nous lance dans la toute dernière scène est un regard de désespoir, d’impuissance. Pour la première fois dans la série, MacKey n’a pas d’échappatoire, aucune porte de sortie, personne à qui faire porter le chapeau. A moins que… à moins que comme le suggère les derniers instants, qu’il n’est pas encore vaincu. Sans nous donner aucun indice sur la suite, Shawn Ryan nous laisse avec une fin ouverte : cette arme, c’est pour mettre fin à cette vie misérable ? Pour retourner au combat, retrouver sa famille ? Pour fuir Farmington et devenir un fugitif le restant de ses jours ? A nous de choisir. C’est en tout cas un point final parfait et tout à fait dans l’esprit de la série. Il n’y a plus rien à dire après ça, si ce n’est que MacKey est un personnage qui nous marquera à jamais.
Je n’ai donc rien à reprocher à ce final. J’avais peur que la discorde Dutch et Claudette s’éternise mais finalement, on voit bien que la capitaine du Barn n’a jamais été aussi affaibli et qu’elle aura besoin de toute l’aide que son partenaire peut lui apporter. J’ai adoré voir comment elle a consacré autant de temps à mettre Vic sous les verrous pour finalement assister à la chute de la Strike Team. « It’s your first payement » adressé à Vic lors de la capture de Ronnie, le regard qu’elle lui lance dans la salle d’interrogation, et en même temps, on sent bien que la chute de la Strike Team ne marque pas la fin de la corruption à Farmington. Personne, de Aceveda à Claudette, en passant par le capitaine Rawlings, n’aura réussi à y mettre fin. C’est une bataille perdue d’avance, comme l’illustre à merveille la mort de ce révolutionnaire du ghetto, métaphore des illusions de toute une société. Les personnages secondaires ont donc eu aussi une conclusion parfaite, de Danny à Billings, en passant par Julian. J’ai souvent été surpris par la façon dont l’homosexualité de ce dernier a été mis de côté brutalement, mais Shawn Ryan a expliqué dans une interview que par souci de réalisme, Julian ne pouvait pas replonger dans ce penchant en si peu de temps. Il va encore passer du temps avec sa famille et aveuglé par ses convictions religieuses, avant de suivre qui il est vraiment, ce qui est annoncé lors de la scène où il lance un regard ambigue à un couple d’homosexuels lors d’une patrouille. Tout est subtile, rien n’est donné sur un plateau dans cet épisode. Même chose pour Lloyd, le serial killer junior qui torture Dutch et a surement tué sa mère. On ne sait pas qu’elle est l’aboutissement de cette histoire et si le détective arrivera un jour à le mettre sous les barreaux. Mais le plus important, c’est de voir que rien n’est acquis et qu’il faut du temps avant que de telles choses trouvent leur conclusion. Cet ultime épisode n’est donc pas une conclusion, mais l’aboutissement de sept années de tragédie grecque parfaitement maitrisées.
Voilà, c’est fini, c’était parfait, et si The Shield va me manquer et que j’ai encore du mal à m’endormir sans penser au sort de Shane ou à l’ultime regard de Vic, je suis fier d’avoir été jusqu’au bout. J’espère que d’autre feront de même et que la série aura enfin toute l’attention qu’elle mérite. Adieu le Barn, adieu Farmington, et à bientôt mes DVD, pour une future intégrale !
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