1970, nous y voilà. Dix ans après les événements de la première saison, où je m'imaginais même pas arriver aussi loin. Quoi de mieux pour conclure la série que de placer ses personnages à la fin d'une décennie et à l'aube d'une nouvelle, au moment le plus opportun pour faire le bilan des "vies que l'on n'a pas vécues". Car en dix ans, personne n'a suivi une ligne toute droite, une trajectoire prévisible et il est l'heure de regretter les choix qui ont menés jusqu'ici alors qu'ils auraient pu mener ailleurs.
Quand la sœur de Rachel demande à Don ce qu'il est devenu, il résume sa décennie par un mariage et deux divorces. Il aurait aussi pu évoquer une chute et deux renaissances professionnelles. Depuis 1960, son histoire se répète et on le retrouve ici presque comme au début, à tromper sa future ex-femme avec des mannequins et à accompagner Roger dans ses virées alcoolisés. Avec le même costume, la même coupe de cheveux et aucune moustache à signaler. Il y a juste les regrets qui se sont accumulés et pas mal de fatigue. Cela le mène à voir des fantômes, à faire des rêves prémonitoires, à avoir une impression de déjà-vu et à imaginer ce qui aurait pu être sa vie. On prend l'exemple de Rachel, femme symbolique dans la vie de Don (chaque homme en a trois d'après Ted) mais on peut aisément la remplacer par Bobbie, Suzanne, Faye ou même Betty, s'il était resté auprès d'elle et de sa famille.
On sent quand même que Rachel l'a marqué et, alors qu'elle revenait hanter ses pensés, il découvre qu'elle vient de mourir et qu'il ne pourra pas revenir en arrière. On ne peut jamais revenir en arrière. On peut en rêver, on peut faire semblant, mais quoi qu'il arrive et qu'importe les chemins qu'on prend, on ne peut que faire des pas supplémentaires vers le néant. L'émotion de Don lors du shiva m'a rappelé son visage dans l'épisode précédent, quand le défunt Bert Cooper venait lui expliquer que l'argent ne fait pas le bonheur. Il réalise aujourd'hui que vivre au présent ne vas pas fonctionner non plus, pas tant qu'il sera rempli de regrets. Sa rupture à l'amiable ("Severance") n'arrivera qu'en temps voulu et elle sera définitive. Et plutôt que de rentrer auprès de sa famille, il se retrouve face à un appartement désespérément vide.
"I know what you must be saying to yourselves.
"If that's the way she feels about it why doesn't she just end it all?"
Oh, no, not me.
I'm in no hurry for that final disappointment.
'Cause I know just as well as I'm standing here talking to you,
That when that final moment comes and I'm breathing my last breath
I'll be saying to myself-
Is that all there is?
Is that all there is?
If that's all there is my friends
Then let's keep dancing
Let's break out the booze and have a ball"
(Peggy Lee)
Pour Peggy, c'est le succès professionnel qui résume bien la décennie. Sauf qu'à côté de cette ascension, sa vie amoureuse n'est faite que de déceptions. Dix ans après avoir accouché d'un enfant dont elle n'a pas voulu, il est enfin temps pour elle de trouver quelqu'un qu'elle désire et qui ne la fasse pas souffrir autant qu'un Ted, pour ne citer que l'exemple le plus récent. Et cet homme arrive par surprise, via l'intermédiaire de ce brave Mathis (que j'ai toujours envie d'appeler Frederick Crane). Un certain Stevie qui entraîne chez elle spontanéité et légèreté et c'est toujours un plaisir de voir Peggy lâcher un peu ses gardes. À voir maintenant si ce Stevie est un heureux présage ou une future déception (qu'on soit clair, j'espère toujours la voir finir avec Stan). Dans tous les cas, aussi fleur bleu que ça puisse paraître, j'aimerais bien que Matthew Weiner lui offre un peu d'amour.
Car oui Bert, l'argent ne fait pas le bonheur. Toute souriante à l'annonce du rachat par McCann dans "Waterloo", voilà Joan qui déchante car, comme prévu, sa petite fortune n'achète pas le respect. Pas celui des hommes qui continuent de la rabaisser à son physique comme c'est le cas depuis 1960. Entendre Peggy rationaliser la situation n'aide pas vraiment et rappelle que les luttes féministes n'ont toujours pas passer les portes de Sterling & Cooper. Si elle a plus de dollars en poche et un meilleur statut, Joan est toujours une mère célibataire qui reçoit les remarques potaches de ses clients au quotidien. Sa solution semble pour l'instant d'utiliser son porte-monnaie pour savourer sa revanche. Mais combien de temps ça va durer ?
Pour Kenneth aussi, il est l'heure d'envisager la vie qu'il aurait pu vivre. Celle d'un écrivain à succès, libre et bien plus heureux. Après tout, l'agence lui a volé son œil et ne semble pas prête à lui faire graver le prochain échelon. Non, c'est ce bon vieux Pete qui récupère ses clients et l'argent qui va avec, en se plaignant qui plus est (ses cheveux ont beau disparaître, on ne le changera pas !). Alors Ken aurait pu collecter son dernier chèque et débuter la nouvelle décennie avec une nouvelle vie et des préoccupations plus à même de le rendre heureux. Au lieu de ça, il se retrouve lui aussi avec une revanche sur les bras et un poste plus rémunérateur.
Est ce que la vie se résume à ça ? Dans ce mid-season premiere, il semble difficile pour nos personnages de suivre la petite morale offerte par Bert Cooper lors de sa dernière apparition. Seul Don a l'air de se poser la même question que Peggy Lee mais à sept épisode de la fin, il est sûrement trop tard pour qu'il découvre ce qui fait vraiment le bonheur. Pour la dernière fois, on a plus qu'à le regarder avancer vers la mort sans pour autant aller de l'avant.
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