"What is that feeling when you're driving away from people and they recede on the plain till you see their specks dispersing? - it's the too-huge world vaulting us, and it's good-bye. But we lean forward to the next crazy venture beneath the skies." [Jack Kerouac, On The Road]
Face au road-trip de Don, je me suis dis que Jon Hamm ferait un parfait Jack Kerouac. Et que si un cinéaste veut adapter "Satori in Paris" ou un autre bouquin des dernières années de l'écrivain, c'est l'acteur à engager absolument. Mais j'ai à peine commencé que je m'égare. Intéressons nous plutôt à quoi ça ressemble un avant-dernier épisode de Mad Men. Réponse : trois happy ends.
La fin heureuse de Don, c'était celle promise la semaine dernière quand il a décidé de prendre à nouveau la route et de fuir ses responsabilités. Comme ses séjours californiens, ça n'aurait pu être qu'une aventure éphémère avant un retour au status quo mais non, Don semble bien en avoir fini avec la publicité et son errance a l'air bien partie pour durer. Mais avant de le retrouver enfin libre, il a une ultime étape à franchir : assumer la pire chose qu'il a pu commettre. Dick Whitman resurgit alors l'espace d'un aveu qui était le dernier poids dont Don avait besoin de se délester avant d'être libre. Après un malentendu et la traversée d'un nouvel enfer, il récupère sa voiture et plutôt que de prendre à nouveau la fuite (ce qu'il aurait pu facilement faire s'il avait été plus insistant avec le garagiste), il transmet à son protégé son ancien savoir-faire.
Comme dans les trois épisodes précédents, on termine sur un plan qui serait un parfait final pour la série. Le jeune homme démarre et Don se retrouve seul sur un banc, en plein Midwest, débarrassé de tout ce qui lui appartient, avec un franc sourire qui se dessine sur son visage, le visage d'un homme apaisé. On entend une vieille rengaine de Buddy Holly et on sourit avec lui. Cette halte lui aura permis d'être enfin un homme nouveau. Et même de conquérir Coca Cola ! On vient de passer 90 épisodes à regarder Don chercher de multiples façon de s'échapper, le voilà enfin qui arrête de fuir quelque chose et qui n'a plus qu'à aller vers quelque chose. C'est "Everyday" qu'on entend mais j'aime imaginer que ce qui résonne dans la tête de Don et qui, cette fois, le fait sourire plutôt que d'avoir peur, c'est la bonne vieille rengaine de Bert Cooper : les meilleures choses dans la vie n'ont pas de prix.
Qui aurait cru ou même souhaité un happy end pour Pete Campbell ? L'homme qui fut bien souvent le plus pathétique d'entre tous, le plus mesquin et opportuniste. L'homme qui aura agi comme une merde face à nos chères Peggy, Trudy et Joan. Ce serait oublié un peu vite la complexité du personnage et le talent de Vincent Kartheiser qui sera parvenu, pour ma part en tout cas, à rendre attachant Pete même dans ses pires moments. Attachant car toujours terriblement humain. Et on suit avec cet épisode (et en filigrane depuis déjà un moment) sa rédemption, qui s'avère tout à fait touchante et juste. C'est par l’intermédiaire de ce bon vieux Duck Phillips (toujours dans les mauvais coups et un parfait contrepoids pour nous rappeler que Pete n'est pas la pire personne sur Terre) qu'arrive sans prévenir un échappatoire que notre cher Campbell n'avait même pas soupçonné. Lui, contrairement à ses anciens collègues de SCD&P, semblait parfaitement satisfait de son traitement chez McCann et aurait très bien pu se contenter de la tournure des événements. Mais en explorant cette opportunité (et lors d'une discussion avec son frère), Pete réalise l'importance de sa famille et se lance dans une ultime bataille pour la reconquérir.
Cette fois, il retourne auprès de Trudy débarrassé de sa jalousie, de ses frustrations et de son envie de gravir les échelons. Il a l'excellente idée de profiter de sa position plutôt que de chercher à l'améliorer. Et un peu comme le soleil californien, ça lui va bien. À croire que Pete a toujours été plus à l'aise dans le rôle du retraité pépère plutôt que dans le jeune cadre aux dents longues. Bien sûr, cet apaisement ne va pas forcément durer pour toujours et d'autres nuages peuvent encore planer sur son mariage et sa vie professionnelle. Les avions n'ont d'ailleurs jamais porté chance à la famille Campbell. Mais pour l'instant, on y croit et cette réconciliation nocturne avec Trudy est tout à fait réjouissante, l'alchimie entre Kartheiser et Brie y est magnifique. Nous retrouvons un couple soudé car il sait ce qu'il veut, n'a plus peur de le dire et sait reconnaître les pires défauts de l'autre. Et même si la vie sera forcément compliquée, on leur souhaite beaucoup de bonheur.
Et oui, j'ai bien parlé de trois happy end. N'allez pas croire que je me réjouis de la mort annoncée de Betty. Je suis juste agréablement surpris de la manière dont celle-ci réagit à la nouvelle et à quel point c'est la conclusion idéale à mes yeux pour le personnage. Un personnage qui fut pendant longtemps une éternelle enfant et qui se montre ici plus mature que jamais. Tandis qu'Henry ne peut contenir ses larmes (Christopher Stanley n'avait jamais eu l'occasion d'avoir une aussi belle scène, tant mieux pour lui), Betty semble satisfaite de la chance qu'elle a eu de vivre jusque là et prépare tranquillement sa mort, comme s'il s'agissait d'un ultime défilé pour l'ancienne mannequin. Pour une fois, c'est elle qui vient conforter les autres avec une compassion qui fut rarement dans sa nature. Quand elle entre dans la chambre de Sally vêtue de sa robe de chambre immaculée, on voit une Betty angélique et plus maternelle que jamais. Et c'est beau de l'avoir subtilement connecté une dernière fois à son ex-mari (celui dont, pour la troisième fois, une femme importante est atteinte d'un cancer). Oui, peut-être que j’interprète trop, mais n'est-ce pas une vision de Betty à laquelle est confronté Don lorsqu'il observe cette femme au bord de la piscine en train de lire un roman sur Rome ?
Et Sally, elle aussi, est prête à affronter cette terrible épreuve. Des années après avoir crié à l'injustice face à la mort de son grand-père, on la retrouve plutôt calme, confortant son beau-père et ses frangins et réagissant sans s'énerver à son retour mitigé à la maison. Bien sûr, elle s'effondrera en larmes en lisant les instructions de sa mère mais c'est bien la preuve que son humanité et une part de son enfance sont préservés. Mine de rien, Sally va se retrouver quasiment orpheline (son père est bien là, mais seulement au téléphone) mais grâce à son parcours d'apprentissage semé d'embûches, la voilà suffisamment solide pour faire face.
En tout cas, merci à Matthew Weiner pour ces trois fins heureuses, apaisées. Mais je ne sais même pas pourquoi j'ose parler d'happy end. La fin, c'est la semaine prochaine. Et aussi heureuse soit-elle, elle va me rendre très triste. Heureusement, il y aura toujours Buddy Holly, la route et une nouvelle opportunité, quelque part.
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