2.18 Madame Jones


BILLY - S02E18 Madame Jones par billylaserie

Résumé : Alors que Billy est en fuite et que Garrett se replonge dans l'alcool, tous deux se remémorent le souvenir d'Alice Jones. On retourne alors dans son ranch de l'Arkansas, en 1875, à l'époque où la veuve recueille le chasseur de bisons blessé dans sa demeure, ce qui n'enchante guère le jeune orphelin... 

Commentaires : Vous ne trouverez pas Alice Jones sur la page Wikipédia du Kid. Ce dernier a eu plusieurs familles d’accueils mais n’a jamais passé un séjour de plusieurs années dans une ferme de l’Arkansas en compagnie d’une veuve devenue sa tutrice. J’ai imaginé ce personnage afin de donner de nouvelles couleurs au récit d’apprentissage de Billy. Il a beau raconter depuis le début de la série à qui veut bien l’entendre un tas de versions différentes de sa jeunesse, le jeune homme se vante peu de son éducation douillette auprès de Madame Jones. Pourtant, c’est grâce à elle qu’il a pu développer une sensibilité et une curiosité qui le démarque de la plupart des bandits dont il croise la route.


Elle aura été pour lui une mère de substitution et surtout, son premier vrai rapport au féminin. Je ne vais pas me lancer dans des considérations œdipiennes, mais il est certain qu’Alice Jones reste pour Billy son premier contact avec la féminité et un modèle qui le suivra par la suite, notamment dans sa relation avec Sarah, un autre exemple de femme qui s’affirme dans une société d’hommes. Et comme vous avez pu déjà l'entrevoir, Madame Jones le hantera longtemps après sa mort. Chaque héros a besoin d’une mère et même si c’est pour ensuite s’en détacher, il reviendra toujours dans ses bras, d’une manière ou d’une autre. Alors que la fin approche, c'était donc naturel de revenir aux origines et je trouvais qu'un prequel s'imposait à un moment ou un autre. Alors qu’il vient de s’échapper de sa cellule, Billy se remémore donc ces journées d’adolescence, de longues journées d’été où il recevait l’éducation d’Alice et était témoin des premiers signes de maladie de sa bienfaitrice.

Alice, c’est également le dénominateur commun entre Billy et Pat Garrett. Elle recueillera le premier pour diverses raisons : frustration de ne pas avoir eu d’enfant, son désir d’éducation, solitude. Et le second sera une présence masculine bienvenue suite à la mort de son mari, un homme qui peut de nouveau lui offrir sa féminité. Pour simplifier, Billy et Pat sont les deux hommes de sa vie et Alice est la femme de leur vie. Ils sont le trio d’origine du récit et, de manière plus large, on peut également compter Sal dans le tableau car c’est Alice qui l’a entretenu durant plusieurs années et fait de lui, malgré elle, le futur compagnon de route de Billy.


Dans le roman qu'il écrit depuis le début de la série, Charlie donnera très vite à Madame Jones une place importante. Elle est entourée de mystère, elle est la Mère sans être la Créatrice, elle est un personnage de fiction qui adoucit le mythe formé autour de Billy. Et comme on le découvre ici, c’est une femme définie par sa profonde mélancolie, toujours rattrapée par la mort (celle de ses proches et sa propre mortalité), par ses idéaux et par ses frustrations, ce qui influencera beaucoup le caractère de Billy ainsi que les thèmes et le ton de la série.

Et l'épisode se termine auprès d'un autre modèle pour Billy, de son père de substitution. C'est bien la ferme et la tombe de Richard Brewer que notre héros visite à la fin. Je ne sais pas si c'est clair et j'ai peur que vous pensiez qu'il s'agisse de la tombe d'Alice mais non, c'est bien celle de Richard et on a un apercu de Billy entre ses parents, pourchassé par son ombre. Ouais, on dirait pas comme ça, mais j'aime bien le symbolisme. 


Anecdotes : C'est Alice qui interprête Alice. Alice May Fournier, une comédienne pro que j'avais rencontré dans le monde du théâtre et qui dirige un collectif sur Angers. On a déjà pu l'apercevoir en début de saison alors qu'elle hantait Billy et elle nous a rejoint vers la fin du tournage dans notre ferme pour enchaîner le tournage de ses apparitions. Même si j'étais intimidé à l'idée de mettre en scène quelqu'un de bien plus expérimenté que moi, je peux remercier Alice pour sa patience et le temps qu'elle a accordée au projet. Et pour ce qu'elle a apporté au rôle : sa douceur, son regard triste et sa beauté. 

Nous avons tourné cet épisode lors du weekend précédant l'ultime semaine de tournage au bord de l'Océan. Un weekend de transition, où l'équipe était réduite et où on sentait déjà que l'on approchait sérieusement de la fin. Il faisait très chaud et c'était la première fois que certains d'entre nous quittions la ferme depuis le début. Mais cet endroit est familier : il s'agit du domaine où habite mon père et sa belle famille, à Durtal. J'y ai passé pas mal de moments de mon enfance et j'entretiens une relation étrange avec cette vieille maison, ce grand jardin et les souvenirs que j'en garde. C'était la première fois que j'amenais des amis ici et que je partagais aussi concrétement cette part de ma vie alors l'ambiance était particulière. J'ai choisi d'aller là-bas car il aurait été dommage de se priver d'un tel décor et que déjà, en écrivant l'épisode, je me disais qu'il s'agissait du seul endroit où il pouvait prendre forme. Nous n'avons quasiment dû retoucher à rien dans le ranch d'Alice Jones, tout y est déjà, des vieux livres au vieux piano en passant par les peaux de bisons et les lampes à huile. 


C'est excitant de tourner dans un nouveau décor aussi riche et de transformer un endroit que l'on connaît bien en endroit de fiction. De le réinventer. Et se réinventer car il a fallu se rajeunir, trouver de nouveaux costumes et de nouvelles coupes de cheveux. Comme d'habitude, tout le monde a pris un malin plaisir à malmener François pour lui donner l'allure d'un adolescent élévé dans une maison bourgeoise. Ce fut plus compliqué pour Jean-Baptiste et moi car nous avions encore des scènes du présent à tourner pour la suite et il n'était pas question de se raser ou de se couper les cheveux pour les flashbacks. Mais quelques astuces et un peu d'imagination de votre part suffisent, je pense. 

L'anecdote la plus marquante est probablement le tournage de la scène où Garrett entraîne Alice dans sa danse sous les yeux de Billy. Car François était mort de rire du début à la fin à chacune des prises. On va probablement vous montrer un bétisier de la saison une fois qu'elle sera terminée. Sur la scène avec Sal, un chat ne cessait de venir se rouler dans le foin et j'ai failli le transpercer de ma fourche dans la feu de l'action. Bref, c'était une drôle d'expérience de tournage et j'en profite pour remercier mon père, ma belle-mère et le reste de la famille pour nous avoir permis de faire ça au mieux et de passer un weekend dans l'Arkansas de 1875. 


Musique : L'épisode s'ouvre sur "Lovesick Blues" d'Hank Williams car dans ma tête, c'est le thème de Pat Garrett, le morceau qui le lie avec le souvenir d'Alice et avec la boisson. On l'avait déjà entendu dans l'épisode "Solstice d'été" alors qu'il venait d'apprendre la mort de son amante et je trouvais ça approprié de le ressortir au moment où elle revient le hanter.

Et pour Billy, c'est Chopin. Son quinzième Prélude, "Gouttes de Pluies", la composition qui m'a amené vers la musique classique, le romantisme. J'ai demandé à Alice de nous en jouer une version belle et fragile au piano puis c'est Quentin, le beau-frère de Marc Jamin (le shérif Brady) qui en a enregistré sa propre version. Ces notes sont tristes, sombres, bouleversantes, je les voulais dans la série et je voulais qu'elle trotte dans la tête de Billy alors qu'il repense à tout ça. Je voulais qu'elles fassent un lien entre passé et futur et annoncent un ciel pluvieux. Orageux. 

La semaine prochaine : Promenons nous dans les bois avec Charlie...

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