Boardwalk Empire [Saison 4]

Un mois. C'est le temps qu'il m'aura fallu pour terminer mon rattrapage. C'était intensif et comme vous l'avez compris depuis que je vous en parle, une belle surprise. Je vais pas vous redire à quel point les trois premières saisons ont effacés progressivement tous les préjugés qui s'étaient bêtement coincés dans ma tête depuis le lancement de la série. Je ne vais pas vous dire que, malgré quelques évidents défauts, Boardwalk Empire fut une putain d'expérience de télévision. Une expérience qui ne m'a pas changé, qui n'a pas changé le petit écran mais qui était belle et forte. Une de plus. 



Même si elle n'est pas ma favorite, la quatrième saison n'aura fait que renforcer ce que je viens de vous déclarer. En particulier les cinq premiers épisodes qui, en se concentrant sur des personnages plus secondaires, nous a rappelé qu'il n'y avait pas vraiment ici de personnages secondaires, que tout le monde avait son importance et pouvait recevoir un traitement sensible et émouvant si l'histoire le permettait. Et là, je pense forcément à Eddie, le héros tragique de ce début de saison, et à sa chute aussi prévisible que bouleversante à partir du moment où Nucky lui offre une promotion. Un classique mais un classique qui a parfaitement fonctionné, ce qui est un peu la marque de fabrique de la série : savoir recycler un tas de vieilles histoires avec beaucoup de talent, qu'il s'agisse de la véritable Histoire, des véritables poncifs de la télévision et des films de genres, c'est un melting-pot vraiment réjouissant tant il est maîtrisé sans être dénué d'humanité. Eddie et son intrigue, c'était la preuve de ça et "Erlkönig", mon épisode favori de cette saison. 

C'était aussi la saison de Chulky, celle où Michael K. Williams a eu enfin de quoi s'éclater face à un adversaire vraiment bluffant, aussi "bigger than life" que le fut Rosetti, mais bénéficiant d'une évolution moins prévisible. Avec cette intrigue fil rouge, l'ambiance est plus noire (sans mauvais jeux de mots), les nuages sombres du générique prennent vraiment d'assaut Atlantic City, dont on arpente plus vraiment le beau remblai et les belles chambres d'hôtels, remplacés par des motels vermoulus, un club tamisé et une mer agitée. On pense à l'image de la grande maison du Commodore, où Gillian erre comme un fantôme et qui est loin de l'agitation et de la ferveur des deux premières saisons, comme si Jimmy avait emporté toutes illusions dans sa tombe. Comme si on attaquait la partie crépusculaire du récit, ce qui est bien normal puisqu'il s'agit de l'avant-dernière saison. Celle des fantômes, des regrets et de l'éternel recommencement. 



Et face à ce cycle, Nucky reste lui-même, parfois au risque de tourner en rond. La troisième saison nous l'avait montré plus humain, enfin véritablement attachant. Là, il est en position d'observateur presque blasé d'un manège sans fin : son neveu qui devient Jimmy 2.0., son frère face à un dilemme terrible (avec Eddie et Chulky, c'est Eli qui a reçut l'un de plus beaux traitements de la saison), la Loi qui ne parvient jamais à le rattraper (Knox était lui aussi un personnage secondaire très fort, malgré une conclusion un peu bâclée à mon goût) et une nouvelle muse, plus exotique (la mère Arquette était fantastique, espérons la revoir à l'automne prochain). Quand le rythme et l'équilibre des intrigues sont un peu moins maîtrise, on est presque tenté d'adopter l'attitude de Nucky et regarde ça de loin, en gardant nos distances. Mais il y a toujours d'incroyables fulgurances (souvent grâce au cast et au directeur de la photographie) et des moments bouleversants (Eddie donc, mais aussi le twist autour de Gillian, la fuite de Chalky et le sort de Richard) qui ont toujours su me faire replonger dedans, tête la première, les yeux grands ouverts. 

D'ailleurs, parlons-en de Richard. Tout comme avec Jimmy lors de la deuxième saison, je savais ce qui allait lui arriver depuis bien longtemps, à cause des langues bien pendues qui polluent les réseaux sociaux. Certains diront que, tout comme Gillian ou Van Alden, il n'a plus vraiment d'intérêt depuis un moment et que les scénaristes peinent à lui trouver une place. Mais vu que la raison d'exister de Richard dans cet univers est de trouver sa place, ça ne pose aucun problème. J'étais ravi de le suivre jusqu'au Wisconsin, renouer avec sa famille. Ravi de le voir revenir à Atlantic City pour prendre soin de Tommy et épouser Julia. Ravi de le voir enfin approcher une certaine forme de tranquillité d'esprit, un certain idéal qu'il s'amusait à découper et à coller dans son vieux carnet. J'ai savouré ça car il s'agissait d'un vieil ami, d'un fantôme lui aussi et, comme je savais qu'il allait peu à peu s'effacer, je ne voulais pas manquer ça. Bien sûr, j'ai pleuré lors de son ultime vision (dommage que l'épisode en question était aussi chargé et maladroit). Et les scénaristes lui ont rendu un bel hommage cette saison, je n'ai rien à redire. 


Peut-être que ce qui se passe à Chicago m'intéresse moins. Peut-être que Margaret n'avait pas besoin de revenir (même si c'est toujours un plaisir de voir A.R. gagner en relief) et peut-être que ce n'était pas la poignée d'épisodes la plus grandiose de la série. Mais elle avait un côté épuisée, cabossée et redondante qui lui a donné beaucoup de charme, qui accompagnait le parcours des personnages et la fin annoncée d'une grande saga. 

En tout cas, j'aurais dédié le premier mois de l'année à Boardwalk Empire et je ne le regrette pas. Je vais devoir me passer d'elle pendant un long moment et ce fut une telle obsession que ça risque d'être compliquée. J'ai déjà profité des soldes pour acheter l'intégrale en DVD. Je sais ainsi que je pourrais me replonger à volonté dans ces belles images et, surtout, auprès de ces beaux personnages. 

Aux disparus.

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